Le Documentaire de Paule Muxel et Bertrand de Solliers interroge la psychiatrie au présent : quelles sont nos capacités d'écoute et d'acceptation vis-à-vis de ceux qui sont différents, pareils à nous-mêmes, dans un lieu singulier où on peut entrevoir la qualité de vie d'une société et ses limites ? Les réalisateurs ont suivi en immersion l'équipe de l'Unité de Crise et d'urgences psychiatriques aux cliniques universitaires Saint-Luc, dirigée par Gérald Deschietere. Le choix des images et de leur luminosité est guidé avant tout par le sens de l'altérité de ce service qui cherche, trouve (ou pas) des solutions en situation de grande difficulté plutôt que de se prévaloir uniquement de méthodes cliniques et coercitives. Qu'est-ce que le travail d'un soignant en santé mentale dans la société d'aujourd'hui ? Chaque thérapeute, du chef-psychiatre à l'aide-soignant, peut se poser cette question : "Qu'est-ce que je fais là ?". Qui suis-je pour essayer de soigner alors qu'on sait qu'en psychiatrie on ne soigne pas et que la plupart du temps on accompagne ? L'enjeu du film est de pouvoir approcher la psychiatrie au coeur d'un lieu particulièrement intense dans les relations humaines pour en ressentir non pas les peurs et l'étrangeté mais son humanité commune de femmes et d'hommes. Le film, tourné et monté au plus près de la vérité chronologique des soins, se soucie des réalités intimes et . nous fait pénétrer dans un lieu où les limites humaines convergent, nous concernent et nous ressemblent. C'est une immersion dans un bain humain qui rejoint pour notre part la normalité de la folie. En tournant à l'Unité de Crise et d'urgences psychiatriques de Saint-Luc, c'est ce que nous recherchions : permettre de regarder et de ressentir. Le film n'est pas une vitrine de l'Unité de Crise de Saint-Luc ; il fait l'essai d'une réflexion contemporaine sur ce que signifie " être dans une situation psychiatrique aujourd'hui ". "Urgences psychiatriques", c'est la profondeur de l'un et de l'autre : le soigné et le soignant, dans l'observation de différentes situations, qui évite le spectaculaire et se mesure avec retenue par rapport à une détresse immense, autant redoutée de l'un et l'autre. Paule Muxel et Bertrand de Solliers conservent bien en mémoire les désirs et les craintes de l'équipe soignante par rapport au film en train de se faire avec et chez eux, et aussi leurs propres refoulements et ceux de l'équipe de tournage. Le documentaire parle de ce que l'on voit dans l'Unité de Crise mais aussi évidemment de la façon de le regarder. Dans ce film, les réalisateurs ne travaillent que sur le regard tout en souhaitant laisser le spectateur libre du sien.
- Producteur : Gilles Renaud