Coronavirus: le port du masque en rue sera-t-il interdit sur base de la loi dite anti-niqab de 2011?

Le coronavirus est en Belgique avec plusieurs cas diagnostiqués. L’une des mesures préconisées en cas de contamination (réelle ou potentielle uniquement), c’est le port du masque de protection, si la personne concernée est amenée à se trouver dans l’espace public. Mais voilà, ce principe se heurte à un mur répressif : la fameuse loi de 2011 interdisant la dissimulation partielle ou totale du visage. Une loi adoptée à l’époque après un long cheminement et en plein débat autour du niqab et de la burqa.

Que dit la loi du 1er juin 2011 publiée le 13 juillet 2011 au Moniteur belge ? "Seront punis d’une amende de quinze euros à vingt-cinq euros et d’un emprisonnement d’un jour à sept jours ou d’une de ces peines seulement, ceux qui, sauf dispositions légales contraires, se présentent dans les lieux accessibles au public le visage masqué ou dissimulé en tout ou en partie, de manière telle qu’ils ne soient pas identifiables", dit l'article 563bis inséré à l’époque dans le Code pénal. Une exception toutefois: un règlement de travail qui imposerait le port du masque (sur un chantier par exemple ou un professionnel de la santé en urgence) ou une ordonnance de police qui autorise le port d’un masque "à l’occasion de manifestations festives" comme le carnaval. Rien donc, concernant le port du masque médical, pour le particulier.

Les touristes asiatiques, cas de figure classique

Il faut dire qu'en 2011, personne n’a vu arriver l’épidémie de Covid-19, le nom scientifique de ce coronavirus. La donne est nouvelle et impose une approche spécifique quant à cette fameuse loi. Comment les forces de l’ordre comptent-elles réagir sur le terrain? "Normalement, une personne infectée est censée être chez elle ou à l’hôpital", nuance Ilse Vandekeere, porte-parole de la zone Bruxelles-Capitale-Ixelles. "A ce stade, il est difficile de répondre quant à savoir si nous devons sanctionner ou pas: nous n’avons pas encore confronté à ce cas de figure. Toutefois, il faut savoir depuis des années, nous accueillons des touristes asiatiques qui ont l’habitude, bien avant l’apparition du Coronavirus, de porter des masques dans Bruxelles. Nous ne sommes jamais intervenus."

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Dans plusieurs pays asiatiques, le port du masque est courant, depuis de très nombreuses années. © STEPHANE DE SAKUTIN - AFP

La question n’a pas encore été abordée du côté de la zone de police Marlow (Uccle, Watermael-Boitsfort, Auderghem). "Nous n’avons pas eu affaire à un cas de ce type", note Laurent Masset, porte-parole. "Dans notre zone, il n’y a pas encore eu de directive ou de consigne interne. A priori, nous n’allons pas contrôler les personnes tant au niveau de leur identité ou leur demander de retirer leur masque. Car ici, il y a un contexte. De plus, avec le masque chirurgical, la bouche voire le nez sont couverts, soit pas davantage qu’avec une écharpe. Ce n’est donc pas un masque qui couvre l’ensemble du visage." L’appréciation est donc différente que celle visant le niqab.

Nous avons décidé de ne pas verbaliser les personnes porteuses d’un masque

La zone de police Midi, qui reprend trois importantes communes bruxelloises que sont Anderlecht, Forest, Saint-Gilles, a pris ce lundi une décision officielle: "Nous avons décidé de ne pas verbaliser les personnes porteuses d’un masque. Mais nous demandons à nos agents de faire preuve de bon sens, d’analyser la situation au cas par cas", indique une porte-parole de la zone interrogée par la RTBF. En clair: une analyse au cas par cas afin de déterminer les réelles intentions sanitaires de la personne qui décide de se couvrir le visage.

Pour la Police fédérale, c’est le bon sens qui doit primer. "La référence, c’est l’article 563 bis du Code pénal", rappelle une nouvelle fois Régis Kalut, porte-parole francophone de la Police fédérale. "Il faut bien faire un discernement entre la loi et l’interprétation de la loi. Il y a l’application stricte et aveugle de la loi et il y a un ici un maître-mot qui est le bon sens. Le bon sens n’est pas propre à la situation 'coronavirus' mais c’est applicable au quotidien. Dans la rue, on croise tous, depuis toujours, des motards qui sont cagoulés, des enfants qui sont protégés du froid par de larges écharpes ou des ouvriers qui portent des protections oculaires ou respiratoires pour la bonne exécution de leur travail. Il est donc évident qu’un policier sait faire le discernement et ne va pas appliquer aveuglément la loi. Ici, avec le coronavirus, il y a une bonne raison qui est de se protéger, de ne pas disséminer un virus, des microbes ou également d’en recevoir."

Evidemment, pour les forces de l’ordre, pas question que des personnes mal intentionnées se retranchent derrière le port d’un masque médical. Sur le terrain, les agents seront vigilants. 

Rappelons qu’entre 2011 et 2016, 60 procès-verbaux ont été dressés en Belgique dans le cadre de la loi dite anti-niqab et anti-burqa.

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