Les révolutionnaires qui ont fait tomber l'ancien président Hosni Moubarak ont aujourd'hui le sentiment que "leur révolution est confisquée", selon les invités de Matin Première. Les Egyptiens sont confrontés à un bras de fer entre les militaires et les Frères musulmans.
En Egypte, alors que l’ex-président Hosni Moubarak semble en état de mort clinique, l’annonce des résultats de l’élection présidentielle a été reportée à une date non précisée. Les deux candidats, le dernier Premier ministre de l’ère Moubarak Ahmad Chafiq et le Frère musulman Mohamed Morsi ont tous les deux clamé leur victoire.
Interrogé par Bertrand Henne, le directeur des "Cahiers de l’Orient" Antoine Sfeir explique qu’aujourd’hui "les révolutionnaires se sentent désorganisés et ils ont l’impression que leur révolution est confisquée à la fois par l’ordre islamiste et l’ordre militaire. Les révolutionnaires ne se reconnaissent dans aucun des candidats à la présidence. Les citoyens, un peu lassés de cette situation, continuent à descendre dans la rue. Les Egyptiens ont besoin de pharaons qui leur assurent l’ordre et le couvert, et qui leur donnent du travail".
L’Egypte disposait de quatre "mamelles économiques", poursuit Antoine Sfeir : "Les expatriés qui envoyaient leur argent sont rentrés au pays, le tourisme est en plein déclin. Il n’y a plus que le canal de Suez et le pétrole qui rapportent encore au budget".
L'armée est un cheval de Troie
Le correspondant de la RTBF au Caire Mehdi Meddeb insiste : "On est face à une situation où ce sont les militaires qui ont toutes les cartes en main : c’est coup d’Etat institutionnel. Depuis 15 mois, les militaires ont assisté à une montée en puissance extraordinaire des Frères musulmans, qui se retrouvent aujourd’hui quasiment avec tous les pouvoirs. Et cela inquiète énormément les militaires qui se sentent menacés. L’armée est un énorme cheval de Troie au milieu de l’Etat égyptien : quasiment un million d’hommes et une puissance économique phénoménale. Si une force politique veut se manifester en Egypte, elle doit composer avec l’armée".
Antoine Sfeir ne pense pas que le pays soit au bord de la guerre civile : "L’Egypte, c’est 500 ans d’administration, 5000 ans de bureaucratie, 5000 ans de palabres également ; les militaires et les Frères musulmans ont été en quelque sorte ‘complices’ depuis 60 ans. Et aujourd’hui nous assistons à une sorte de bras de fer. Mais la guerre civile n’est pas encore à l’agenda".
A.L. avec B. Henne