Pour la troisième fois, François Ozon était présent dans la compétition cannoise. Et comme d’habitude, il est reparti bredouille… Mais avec un solide prix de consolation : son nouveau film, "L’amant double", s’est vendu dans un grand nombre de pays… Dont, évidemment, la Belgique.
L'amant double
Chloé souffre de douleurs inexpliquées au ventre. Devant l’impuissance des médecins, elle décide de calmer ses angoisses en consultant un psy. Après quelques séances, Chloé et son thérapeute, Paul, tombent amoureux l’un de l’autre. Ils décident de vivre ensemble… Mais très vite, la jeune femme voit ses inquiétudes ressurgir ; elle est persuadée que Paul lui cache un secret. Elle lui découvre un frère jumeau, Louis, et s’aventure à prendre contact avec lui. Chloé se retrouve alors prise en tenaille entre les deux frères…
François Ozon aime trouver son inspiration dans des sources très diverses : un vieux film de Lubitsch pour "Frantz", un vaudeville de Barillet et Grédy pour "Potiche", etc. Cette fois, il adapte librement un polar de Joyce Carol Oates, signé sous pseudonyme et intitulé "Lives of the twins". Ozon qualifie lui-même "L’amant double" de "thriller érotique", cite volontiers comme références Hitchcock, Brian De Palma ou encore David Cronenberg, qui avait filmé en 1988 Jeremy Irons dans un double rôle de frères jumeaux manipulateurs dans "Dead Ringers". A entendre Ozon, "L’amant double" ne serait donc qu’un film de genre, qui obéit à certains codes en vigueur, et qui alterne des passages obligés – à savoir des scènes de sexe et des scènes d’effroi…
Or le propos du film est sans doute moins lisse et plus personnel que le cinéaste ne veut laisser l’entendre, et il y a fort à parier qu’Ozon a profité du canevas du roman pour y glisser quelques obsessions très personnelles. Si on accepte de laisser son esprit cartésien au vestiaire, et de se laisser porter par une intrigue qui oscille entre permanence entre réalité et fantasme, entre les faits et les rêves, "L’amant double" s’avère assez séduisant. Jérémie Renier est bien plus convaincant que d’habitude dans un double rôle, et Marine Vacth – révélée il y a quatre ans par le même Ozon dans "Jeune et jolie" - impose sa beauté mystérieuse et son charisme comme sans effort. Ça s’appelle la grâce cinégénique.
The Promise
A la veille de la Première Guerre Mondiale, Michaël (Oscar Isaac), jeune Arménien, quitte son village pour Constantinople (qui ne s’appelle pas encore Istambul) pour entreprendre des études de médecine. Logé chez son oncle, il fait la rencontre d’Ana (Charlotte Le Bon) dont il tombe amoureux – alors qu’il s’est déjà fiancé dans son village… Mais Ana n’est pas seule ; elle est accompagnée de Chris (Christian Bale), un reporter américain correspondant pour l’Associated Press… Mais lorsque la Grande Guerre éclate, le pouvoir turc commence à pourchasser les Arméniens, et Michaël est en ligne de mire.
Mêler la petite histoire et la grande, un récit romantique de triangle amoureux et la reconstitution du génocide arménien : le pari du réalisateur Terry George (qui avait évoqué un autre génocide dans "Hôtel Rwanda") est audacieux. Heureusement, le cinéaste britannique ne manque pas d’atout : sa reconstitution d’époque est splendide, et son casting est convaincant. Oscar Isaac – vu dans "A most violent year" ou dans "Inside Llewyn Davis" des frères Coen – est un excellent acteur de composition, Charlotte le Bon est éminemment gracieuse, et Christian Bale, comme toujours, donne du relief à son personnage, pourtant moins riche que les deux autres. Bien sûr, "The Promise" est de facture classique, voire "old fashioned", mais possède malgré tout une certaine envergure.
Nos patriotes
Il est question d’une autre guerre dans "Nos Patriotes", la Seconde Guerre mondiale. Le film s’intéresse à une figure authentique méconnue : celle d’Addi Bâ, tirailleur d’origine sénégalaise fait prisonnier par les Allemands à la suite de la débâcle de juin 1940. Le soldat parvint à s’échapper et rejoignit un groupe de résistants dans une forêt des Vosges, constituant un des premiers "maquis" sous l’Occupation.
Gabriel Le Bomin réalise "Nos Patriotes" comme une "Belle histoire de l’Oncle Paul" : aucun cliché ne manque à l’appel, les dialogues sont ampoulés à souhait, et le casting hautement improbable, avec Alexandra Lamy ( !) et Louane ( !!)… Notre compatriote Marc Zinga (" Les rayures du zèbre ") fait tout son petit possible dans le rôle d’Addi Bâ, mais la réalisation est tellement piteuse que ses efforts sont réduits à néant.