Dans la dernière ligne droite de la Mostra, deux films politiques s’invitent dans la compétition

Le premier est allemand et signé par une jeune réalisatrice, le second est présenté par Michel Franco, cinéaste mexicain habitué des festivals. Les deux films abordent frontalement des questions actuelles préoccupantes.

Und Morgen Die Ganze Welt (Et demain le monde entier)

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Julia von Heinz, réalisatrice allemande, présente "Und Morgen Die Ganze Welt" à la Mostra © Alberto PIZZOLI / AFP

Luisa, jeune fille de (très) bonne famille, étudiante en Droit, décide de rejoindre une amie dans un mouvement d’activistes de gauche qui entend, par des manifestations pacifistes, lutter contre les groupuscules néonazis un peu partout en Allemagne. Très vite, Luisa va être séduite par le charisme d’Alfa, un jeune militant qui prône une ligne plus dure et des actions punitives plus fortes face aux membres de l’extrême-droite. Insidieusement, à l’insu de sa famille, Luisa va être entraînée dans une spirale de violence de plus en plus incontrôlable.

La réalisatrice Julia von Heinz, 34 ans, a elle-même milité dans un mouvement de gauche, et pose dans son film la question éthique par excellence : faut-il combattre la violence par la violence ? Comment répondre à la montée de l’extrême-droite aujourd’hui ? "Und Morgen Die Ganze Welt" a le mérite d’éviter la lourdeur démonstrative du "film à thèse" en s’attachant de très près aux états d’âme de la principale protagoniste (incarnée avec justesse par Mala Emde) et en adoptant presque le rythme d’une course-poursuite. Mais cette option de mise en scène comporte aussi des points faibles, à savoir un scénario linéaire, qui ne permet pas de creuser le sujet très en profondeur… En résumé, c’est le prototype de film qui permet une soirée " film suivi d’un débat ", mais qui laisse un peu le spectateur sur sa faim.

Nuevo Orden (Un ordre nouveau)

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Le réalisateur mexicain Michel Franco à la Mostra 2020 © Alberto PIZZOLI / AFP

Mexico, de nos jours. Dans une très riche propriété, débute la réception de mariage de Marianne, la fille d’un magnat qui a invité, comme il se doit, toutes ses relations. L’ambiance mondaine bat son plein, lorsqu’à l’entrée de la propriété, un vieux domestique appelle à l’aide : sa femme doit être opérée d’urgence et les frais d’admission à l’hôpital s’élèvent à 200.000 pesos (soit près de 10.000 $). Alors que tous les membres de sa famille renâclent à subsidier le fidèle serviteur, Marianne quitte la réception et part en voiture pour aller voir la femme malade. Or, dehors, c’est le chaos complet : la population pauvre de la ville, révoltée, s’infiltre chez les riches et commence à tirer dessus à bout portant. L’armée est appelée à la rescousse pour ramener l’ordre… Mais de quel ordre va-t-il s’agir ?

"Nuevo Orden" est ce qu’il est convenu d’appeler une dystopie : une vision apocalyptique d’un futur (très) proche. De l’aveu même du réalisateur Michel Franco, ce n’est pas une dystopie irréaliste ; le décalage avec la réalité mexicaine est minime, car le fossé entre les riches (vivant dans la bulle de leurs quartiers sécurisés) et les pauvres est devenu tellement énorme que la situation est devenue explosive. Mené tambour battant, sans temps mort, à travers le fil rouge du personnage de Marianne, le film montre l’arrogance des nantis, le désespoir des plus pauvres, le cynisme des autorités. "Nuevo Orden", c’est 85 minutes de film pour dresser un constat implacable, une description froide et clinique d’une société malade, au bord de l’implosion. Ni plus, ni moins. Ce n’est pas forcément toujours subtil, mais c’est plutôt efficace.