Peu d'oeuvres collent autant à leur époque que celle d'Andy Warhol. Aujourd'hui, il serait un influenceur aux millions de followers sur les réseaux sociaux. Warhol, The American Dream Factory nous raconte l'ascension du maître du Pop Art, commentateur ironique de l'Amérique des années 60 et 70. Et devenu lui-même une icône pop indémodable.

L’œuvre de Warhol : un miroir de l’Amérique sur 4 décennies.
C'est entendu, Warhol est le pape de la pop culture, les posters de Marilyn se vendent encore et toujours comme des petits pains. Alors comment - une fois de plus - aborder l’œuvre d’Andy Warhol ? Les producteurs de l’expo ont choisi les soubresauts de l’Histoire pour raconter, des années 50 aux années 80, comment la création artistique d'Andy Warhol se nourrit de l’actualité politique, sociale et culturelle de son époque. Comme d’autres artistes du Pop Art, il s'inspire de la culture populaire, de la société de consommation et des media - photos et coupures de presse- pour créer ses oeuvres. Les tendances qui traversent la société sont le matériau de ses créations.

Chaque période est introduite par un sas historique qui rappelle les grands faits de la décennie, à commencer par les années 50 pendant lesquelles le jeune Warhol, fils d’émigrés slovaques débarqué à New-York, est illustrateur publicitaire pour des magazines de mode. Il réalise aussi des couvertures de livres. D’emblée il réalise l’efficacité d’une bonne image et l’impact de sa reproduction sur un large public. Un concept qui guidera tout son travail d’artiste pop.



Les années 60 sont les plus intéressantes. C’est la décennie de la contestation : droits civiques, révolution sexuelle, guerre du Vietnam et dans le même temps la consommation est à son apogée. Warhol créée ses œuvres les plus célèbres sur le principe de la série : les fameuses Campbell’s Soup, les boîtes de savon Brillo, les portraits de Marilyn et de Jackie Kennedy (JFK est assassiné en 1963), icônes glamour et tragiques à l'image de l'Amérique. Warhol réalise aussi des sérigraphies de chaises électriques, d'émeutes raciales, de meurtriers recherchés, d'accidents de voiture : le cauchemar de l'Amérique.


Dans le même temps, Warhol, devenu riche, ouvre la Factory, sorte de laboratoire d'expérimentation qui réunit un bel échantillon de la contre-culture : artistes, mannequins, transgenres, égéries comme Edie Sedgwick qui mourra d’overdose à 28 ans, membres de la jet set. C’est l’époque des films expérimentaux et des performances. Warhol produit le premier album du Velvet Underground, avec Lou Reed, John Cale et Nico.
Les années 70 seront celles du business. Warhol, blessé par balle en 68 par la féministe radicale Valérie Solanas, ferme la Factory, fréquente la jet set au Studio 54 et créée la Andy Warhol Enterprises Inc. Avec différents départements. Création de portraits mondains à la commande, développement du magazine arty Interview, production de films. La jet set vient se faire tirer le portrait. Warhol en fait systématiquement quatre sérigraphies… avec un prix dégressif si le client achète le package. Dans l'expo on peut voir le portrait de Paul Delvaux et aussi le célèbre portrait de Mao, après la visite historique de Nixon en Chine en 1972. Le peintre a choisi la photo de Mao la plus répandue par la propagande officielle. Si Warhol n’avait pas de positionnement politique affirmé, cette série appuie l’ironie de l’artiste qui démontre que le capitalisme est susceptible d'ingérer tout événement. New-York tombe en faillite en 1975. Warhol va louper l’émergence du punk, du hip-hop et du street art.


Dans les années 80, le pape du Pop Art va se rapprocher de la jeune génération issue de la rue pour retrouver l’inspiration. Comme à son habitude, il a le génie pour s'entourer des personnes de talent en phase avec leur époque. Il encourage et collabore avec Keith Haring et surtout Jean-Michel Basquiat. Ils vont cosigner plusieurs toiles.


De très nombreuses œuvres et documents rarement montrés
L’exposition démontre que Warhol a touché à tous les médias : dessin, peinture, sérigraphie, film, imprimé, magazine, pochette de disque, tissu, couvertures de livres. Des œuvres parmi les plus célèbres sont montrées dans Warhol, The American Dream Factory mais aussi de nombreuses pièces rares, grâce aux prêts d’une dizaine de collections, dont la collection de Jane Holzer, une des muses de la Factory et celle du québecois Paul Maréchal. Les fans découvriront de nombreuses pochettes de livres, un tissu imprimé encarté dans un magazine féminin qui devait permettre de réaliser une jupe plissée ou encore la lithographie du 45 tours Love You Live des Stones en 1977. En fin de parcours on a la chance de découvrir trois tableaux cosignés avec Basquiat, dont deux issus de collections privées.


Qu’aurait fait Andy Warhol sur Instagram, Tik Tok ou YouTube ?
Warhol est décédé en 1987, avant l’avènement du web (1990) et des réseaux sociaux, pourtant son œuvre est plus que jamais pertinente aujourd’hui. Il a glamourisé le réel et transformé l’individu en icône à consommer. Aujourd’hui l’internet permet à chacun de fabriquer son média, d’être un émetteur de contenu. 3 milliards de smartphones produisent des photos chaque jour. La banalisation du selfie et les réseaux sociaux encouragent la mise en scène permanente de soi-même. Les filtres, les applications, les outils embarqués (Tik Tok) sont à notre disposition pour nous customiser, nous rendre le plus attractif possible. Le rêve ultime semble être : moi en tête de gondole. Jubilation ou cauchemar ? En tous cas, pour Warhol le visionnaire, le quart d’heure de célébrité est bien parti pour l’éternité.
En pratique :
Warhol, The American Dream Factory
Du 02.10.2020 au 28.02.2021
La Boverie, Liège.
Tout au long de la période, les acteurs culturels de Liège proposent Liège Factory : des événements, ateliers et expositions autour de la planète Warhol et ses influences actuelles. Entre autres, l'exposition des photographies de Gérard Malanga, bras droit de Warhol à la Factory, au Centre culturel de Chênée.
