Yves Coppens, paléontologue réputé et découvreur du fossile de Lucy, est décédé

Le paléontologue Yves Coppens est mort

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Il y a des découvertes qui vous changent un homme. Dans ce cas-ci, c’est une femme. Et celle-ci a changé non pas simplement la vie de son découvreur, mais aussi la compréhension de l’humanité de l’histoire des Hommes. C’est l’histoire de Lucy, dont le découvreur, le paléontologue français Yves Coppens, est décédé ce mercredi à l’âge de 87 ans.

Le paléontologue français à côté d’un mannequin représentant une australopithèque à Carnac le 10 juillet 2004.
Le paléontologue français à côté d’un mannequin représentant une australopithèque à Carnac le 10 juillet 2004. © Tous droits réservés

La découverte

En 1974, sur un chantier archéologique éthiopien de l’Afar, résonne une musique pop bien connue. John, Paul, George et Ringo jouent dans le petit transistor. La chanson date d’il y a quelques années, mais l’équipe de scientifiques qui travaille sur le site d’Hadar l’apprécie. Il y a là une trentaine de chercheurs dirigés par un paléoanthropologue (Donald Johanson, américain), un géologue (Maurice Taieb) et un paléontologue français (Yves Coppens). Les fragments de fossile qu’ils vont mettre au jour là, dans cet espace aride de l’Afrique de l’est, vont bientôt faire parler d’eux dans le monde entier. Il s’agit de ce qu’ils vont bientôt appeler "australopithèque". En Ethiopie, le fossile est appelé Birkinesh, qui veut dire "personne de valeur". Les Occidentaux, eux, vont la baptiser de cet air des Beatles dont ils écoutaient souvent la cassette, dans leurs tentes, quand ils étudiaient des fragments d’os. Lucy a été découverte.

Loading...
Reconstitution de Lucy à Bidon (Ardèche)

1m20 de haut, un poids d’environ 25 kilos, des membres supérieurs légèrement plus longs que les nôtres par rapport aux membres inférieurs, légèrement voûtée, une petite tête et des mains capables de saisir des objets, mais aussi des branches… Voilà Lucy. Pour Yves Coppens, cité dans le livre La plus belle histoire du monde, elle devait cependant avoir un pas "plus court que le nôtre, rapide, un peu trotté, et peut-être ondulé". Lucy est végétarienne, elle vit en société et elle serait morte à l’âge de vingt ans. On l’a retrouvé dans un milieu lacustre. Selon le paléontologue, elle serait donc décédée par noyade ou "mangée par un crocodile" (l’hypothèse qu’elle soit tombée d’un arbre est aussi avancée par certains). Quoi qu’il en soit, avec 52 fragments et du haut de ses 3 millions d’années, c’était le squelette à l’époque le plus complet à avoir été découvert d’une australopithèque.

A l’origine

L’éminent scientifique est originaire de Bretagne. Dès sa plus tendre enfance, il est attiré par le passé lointain. Habitant avec ses parents à Vannes, en Bretagne, c’est à quelques dizaines de kilomètres de là, à la Trinité-sur-Mer, du côté de Carnac, qu’ils passent toutes leurs vacances. Fasciné dès le plus jeune par les vieilles pierres, les tessons de poteries et les chantiers de fouilles – à l’école, on le surnomme "Coco le fossile"-, il se jette à corps perdu dans les études scientifiques. Doctorat sur les éléphants, ce fils d’un professeur de physique et d’une mère pianiste a toujours été féru de sciences naturelles. Il fête ses vingt ans sur l’île Carn, dans le Finistère. C’est là qu’il a découvert, avec des amis, un dolmen surmonté d’une coupole de granite. Et c’est une tombe, inviolée depuis 7000 ans, que le jeune breton met alors à jour.

François Fillon (alors Premier ministre), Christine Albanel (ministre de la Culture), Michel Barnier (Agriculture) et Yves Coppens à Carnac, le 15 mai 2009.
Yves Coppens dans la grotte de Lascaux, en septembre 2016
Le scientifique au musée de l’Homme, à Paris, en 1984

Voyages, voyages

Vient ensuite le temps de voyager. Fort d’un poste d’attaché de recherche du Centre national de la recherche scientifique et d’un contact avec le monde de la géologie, Yves Coppens va alors pouvoir monter des expéditions. La première le conduit au Tchad, durant sept ans. Le résultat fut probant : il étudie un crâne fossile d’un hominidé. Il le nomme Tchadanthropus uxoris. Nous sommes en 1965. Ses résultats impressionnent un autre paléontologue, Camille Arambourg. Celui-ci, vieillissant, lui transmet des fossiles trouvés auparavant en héritage. En 1967, les deux compères auront trouvé une mandibule en Ethiopie. L’espèce est nouvelle et est nommée Paranthropus aethiopicus. Algérie, Kenya, Tanzanie, Indonésie, Philippines, mais aussi Sibérie, plus de 100 pays auront connu les pas du paléontologue durant sa carrière.

 

Le chercheur et le prof

Toute sa vie durant, les éléphants, cela restera aussi son truc. Fin des années 90, direction le nord-est de la Sibérie, où furent découverts des ossements de mammouth, sortant du permafrost. Coppens sera sous-directeur du Musée de l’Homme, élu à la chaire de paléontologie et préhistoire au Collège de France en 1983. Il occupera le poste jusqu’en 2005, avant de devenir professeur honoraire. Il était aussi membre d’une pléiade d’Académies en Europe et dans le monde (Afrique du Sud, Brésil, Côte d’Ivoire, Maroc…).

Vu comme très ouvert d’esprit et sachant laisser sa place aux femmes, il était Docteur honoris cause des universités de Liège, Mons, Bologne et Chicago. La transmission était pour le paléontologue d’une importance primordiale. Fervent défenseur pendant une partie de sa carrière de la théorie dite de l’East Side Story, à savoir que les hominidés ont développé la bipédie dans les hautes herbes et les savanes plus sèches du côté est du grand rift, séparant l’Afrique en deux. Lors de la formation du rift, le côté ouest, lui, avec son environnement devenu plus humide (à cause des barrières de montagnes retenant les pluies) et donc forestier, ayant poussé au développement des grands singes. Toutes les découvertes de fossiles avaient été découvertes du côté oriental (Lucy comprise). La théorie sera ensuite un peu rectifiée par Yves Coppens après les découvertes des squelettes d’Abel et de Toumaï au Tchad en 1995 et 2003. Les théories de l’évolution de l’Homme et du peuplement du monde sont, au fil des découvertes, de plus en plus précises, grâce aux travaux de scientifiques tels Yves Coppens et Michel Brunet.

Découverte d’un crâne vieux de 3,8 millions d’années en Ethiopie, en août 2019

Un crâne vieux de 3,8 millions d'années découvert en Ethiopie: présentation à Addis Abeba

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Dernier cours pour Yves Coppens au Collège de France le 21 juin 2005.
Brigitte Senut du musée national d’Histoire naturelle français, et Yves Coppens en février 2001 à Paris.
Yves Coppens a été lauréat du Prix scientifique 1975 de la Fondation de France

Au sommet

Yves Coppens, à présent nom illustre en France, va être appelé aussi pour des missions par le sommet de l’Etat. En 2002, sous la présidence de Jacques Chirac, il est nommé à la présidence de ce qui va s’appeler la "commission Coppens", dont les travaux serviront à la Charte de l’environnement. Adoptée trois en plus tard, elle servira à ajouter dans le droit français trois grands principes, à savoir les principes de préventions, de précaution et du "pollueur-payeur". En 2007, il devient président du conseil pour la conservation de la grotte de Lascaux.

En visite avec Nicolas Sarkozy et Carla Bruni pour le 70e anniversaire de la grotte de Lascaux.
En visite avec Nicolas Sarkozy et Carla Bruni pour le 70e anniversaire de la grotte de Lascaux. © Tous droits réservés

Bonne chère

Outre tout cela, le professeur émérite au Collège de France était fin connaisseur dans d’autres matières bien diverses. La gastronomie – il était membre du Cercle des amoureux du foie gras —, le whisky aussi. Et, comme un Breton qui se respecte, la voile. Et ce n’est pas peu dire, il navigua avec le grand Eric Tabarly dans sa jeunesse.

Yves Coppens dans son bureau au Collège de France en avril 1999
Yves Coppens dans son bureau au Collège de France en avril 1999 © 2011 Gamma-Rapho

Le paléontologue Yves Coppens est mort

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous