Même plombé avec son Seraing en bas de classement, il régale de ses doubles contacts et autres arabesques. Membre du cageot de joueurs prêtés au Pairay par son FC Metz formateur, il évoque Franck Ribéry, le stress du maintien, Christophe Mae, un maillot de Zidane, Kaoru Mitoma, le coup du foulard et Dany Boffin. Mais aussi l’attachement aux couleurs, Ronaldinho, le racisme dans le foot, Georges Mikautadze, le leadership et Robert Pires. Et bien sûr… les liberos à l’ancienne. Youssef Maziz passe " Sur le Gril ".
Assis dans la salle de presse de la Boverie, Youssef Maziz se marre. Son FC Seraing se débat en fond de classement, mais Youssef se marre. On vient de lui faire remarquer qu’un magazine lui a taillé le portrait… en titrant son article " Le Mazizien ". Traduisez… sans le zézaiement : " Le Magicien ". Oui, jeu de mot.
" Je ne suis pas un ‘magicien’ " rigole le médian serésien. " Mais c’est vrai que sur le terrain, j’aime bien faire des gestes techniques : je veux me faire plaisir… et aussi offrir du spectacle aux gens dans le stade. J’adore les petits ponts… mais les adversaires aiment moins ! (Il rigole) Un petit pont, c’est rageant quand on le subit… mais il faut accepter : on en met, on en prend, c’est le foot, ça ! Je fais aussi ce que j’appelle ma ‘classique’ : le double contact gauche-droit-plat du pied. Il faut parfois se brider en match, car la priorité reste l’efficacité… Mais le coach nous permet de tenter des choses dans les 30 mètres adverses : si on y perd la balle, ce n’est pas fatal. Par contre, faut pas prendre de risques dans nos 30 derniers à nous… car si ça nous coûte un but, c’est grave ! (clin d’œil) Mais parfois, ça nous fait aussi gagner : je me souviens, l’an passé en France, j’ai sorti un coup du foulard… puis on a enchaîné par une frappe, le gardien a arrêté de justesse ! C’était presque but ! "
" Après l’Union, on a été impactés mentalement dans les matches suivants "
Le Franco-Marocain est le métronome du jeu liégeois : quand il tourne, l’équipe tourne. Mais quand il ne tourne pas… Très en vue au mois d’août (avec 4 buts et 3 assists, il avait un pied… dans les 7 premiers buts du promu en D1A !), il est aujourd’hui dans le dur… Et son équipe a, du coup, piqué du nez au classement.
" On a montré qu’on avait du potentiel et du jeu… mais il nous manque toujours un peu d’expérience pour convertir cela en points. La preuve avec ce match cauchemardesque à l’Union St-Gilloise : on mène 0-2 à la mi-temps, on se dit que rien n’est fait et qu’il faut rester vigilant… et puis l’équipe s’écroule complètement. On n’a toujours pas compris ce qui s’est passé ce jour-là… et on a vu dans les matches suivants que cette déroute nous avait impactés mentalement. En fait, soit on gagne, soit on perd (NDLA : le FC Seraing n’a partagé qu’une fois en 14 sorties !) : quand on mène, on veut continuer… et quand c’est match nul, on veut forcer les choses ! On a du mal à juste gérer : on doit apprendre à ferme la boutique quand on mène au score... Mais je ne m’inquiète pas : on connaît nos qualités et on va vite remonter au classement. "
" Jordi Condom applique la même philosophie qu’à Barcelone "
Dans les gestes décisifs de pré-finition, Youssef Maziz tient la baguette : il fait partie des joueurs de Pro-League les plus productifs en tirs à distance et en passes dans le dos des défenses. Il côtoie aussi le duo Xavier Mercier-Noa Lang dans ce qu’on appelle les " passes intelligentes " : les passes qui cassent les lignes et éliminent plusieurs opposants à la fois.
" Je n’ai jamais fait de futsal mais j’ai tout appris dans les ‘fives’ (NDLA : petits matches de 5x5) qu’on disputait au quartier : il fallait y lutter pour survivre ! C’est le règne de la compétitivité, on se chambre… et c’est la guerre : ça m’a forgé le caractère et ça me sert dans la lutte pour le maintien dans laquelle on est engagés avec Seraing ! Moi, au quartier, j’avais 12-13 ans, on formait l’équipe des petits et on jouait contre les grands : on les bousculait… et parfois, on les battait ! Après, j’ai perfectionné ma technique en préformation, puis en formation au FC Metz : contrôles-passes, contrôles orientés, c’est la base ! Avec notre coach Jordi Condom (NDLA : qui a entraîné les jeunes du Barça !), on retrouve cette philosophie du jeu en deux-trois touches, du jeu dans les intervalles et des sorties de défense propres. Le coach nous encourage à provoquer et à multiplier les un contre un ! "
" Même en prêt, je m’implique et je m’applique… "
Formé comme… défenseur central (" Je jouais comme un vieux libero à l’ancienne, dans son fauteuil, pour couvrir la profondeur loin derrière mes axiaux " s’esclaffe-t-il), Maziz incarne la collaboration Metz-Seraing. Le club partenaire met en vitrine les talents lorrains en quête de temps de jeu.
" Vous avez un bon championnat, avec de la vitesse, de l’engagement et de la variété tactique. C’est un championnat très regardé, et y prendre des minutes est utile comme tremplin pour retourner en France… où le niveau reste quand même plus élevé, selon moi. Le fait d’être prêté pour une saison ne diminue pas ma motivation : mon club formateur m’avait déjà casé au Mans et à Avranches… et partout, je m’implique et je m’applique (sic) à 100% dans le projet local. J’engrange de l’expérience : le système des clubs-satellites est très bénéfique pour les joueurs qui jouent peu. Je suis aussi payé pour pratiquer mon sport-passion : nombreux sont ceux qui aimeraient être à ma place ! Enfin, Metz et Seraing ont en commun ce passé ouvrier : c’est important le lien au club, c’est de l’Histoire, il faut s’incarner dans les valeurs du lieu. Il faut s’attacher pour ne pas s’égarer ! " (sic)
Formé depuis toujours au club lorrain, le Franco-Marocain espère connaître meilleur sort que son compère Georges Mikautadze. Que Metz avait repêché… avant de le renvoyer à la case-départ liégeoise.
" Georges est un bon jeune, plein de talent : il réussira tôt ou tard ! A peine revenu ici, il a déjà planté 5 buts. Lui et moi, on a de bonnes connexions sur le terrain, on se cherche souvent en match : on aime le même foot, fait d’appuis, de remises et de passes redoublées en une ou deux touches. J’ai toujours aimé les joueurs faciles au ballon : Ronaldinho, Messi, Zidane. Quand j’avais 8-9 ans, Zizou est même venu à Metz pour une séance d’autographes : j’ai son maillot signé, le maillot des Bleus en version blanche ! Je suis né en 1998… donc la génération Coupe du Monde, ça me parle ! A Metz aussi, on a eu de grands joueurs : Robert Pirès, Franck Ribéry, Emmanuel Adebayor… Petit, j’allais voir les matches avec mon père : on a même suivi le club quand il est descendu en Nationale ! "
"Moi aussi, je suis capable de gueuler..."
On lui cite des joueurs belges ayant porté le maillot grenat…
" Dany Boffin ? Léo Vander Elst ? (Il fait la moue) Désolé, ces noms ne me disent rien... Je ne connaissais pas le foot belge, à part Bruges et Anderlecht que je voyais parfois à la télé en Coupe d‘Europe. Le meilleur joueur de D1A ? Euh… Disons que je découvre à peine les équipes d’ici, car je ne suis arrivé qu’en août. On nous envoie des images avant les matches sur notre groupe Whatsapp… et ça m’arrive de regarder (sic). Mais je reconnais que je préfère me concentrer sur mon propre jeu... Allez, je vais dire Kaoru Mitoma : celui-là, il nous a bien fait mal avec sa vitesse lors du match à Bruxelles, il était injouable ce jour-là... Dans le bus du retour, après le match, on a bien parlé de lui… Et ça m’a bien saoulé. (clin d’œil)
Malgré un gros potentiel technique collectif, Seraing a donc perdu de précieux points depuis le début de saison. Et, à l’approche de la rotation d’automne, il est engagé dans le stress du maintien.
" C’est une école assez dure, avec de la pression, mais c’est très instructif. On joue la survie du club, il faut aller au combat ! (sic) Nous, les artistes, on attend de nous qu’on fasse la différence dans les moments compliqués… et c’est vrai que, parfois, je dois davantage prendre les choses en main : je dois être plus leader. C’est mon côté perfectionniste : quand je loupe un truc, j’ai tendance à baisser la tête… Je veux tellement bien faire que quand je me loupe, ça fait chier (sic). Mais attention : moi aussi, je suis capable de sortir une gueulante et d’haranguer mes équipiers quand il le faut "
" Le foot peut aider à éradiquer le racisme "
Désigné fin novembre pour recevoir Anderlecht en Coupe de Belgique (" On fera le maximum… mais ce sera plus un match de gala, car la priorité c’est le championnat et le maintien "), Youssef Maziz affiche deux caps avec les Bleuets français U16. Mais son pays de cœur reste le Maroc.
" C’est le pays de mes deux parents, et j’y ai joué en U18 et en Espoirs. Donc oui, mon cœur, il est là-bas (sic). Mais je n’ai jamais été confronté au racisme : le foot peut être une réponse à l’intolérance. On ne va pas tout résoudre, mais on peut aider : chaque club réunit des joueurs d’origines, de cultures et de religions différentes… et on s’entend tous bien. Donc oui : le foot peut contribuer à éradiquer le racisme ! "
Et quand il s’agit de créer une alchimie de groupe, le fameux bizutage de début de saison peut jouer son petit rôle. Et Maziz de passer au chuchotement en mode clin d’œil…
" Ne le répétez pas… mais moi, j’ai échappé à la chansonnette quand je suis arrivé ici. On était à l’hôtel avant le premier match à Courtrai : je m’attendais à devoir chanter… mais on ne m’a rien demandé, alors moi je n’ai pas moufté (Il rigole). Et quand on m’a demandé après, j’ai dit que si on m’avait oublié au premier match, il fallait me laisser tranquille le reste de la saison... (clin d’œil) Mes bizutages précédents ? J’avais repris du Ninho, un rappeur français… Et aussi du Christophe Mae (Il commence à chantonner…) ‘On s’attache et on s’empoisonne… Avec une flèche qui nous illusionne…’ C’est important, les bizutages : sur le moment, ça met la pression, on fait des vidéos qu’on retrouve après sur internet. Mais ça crée de la cohésion de groupe. Et de la cohésion, on en aura besoin pour se sauver ! "
Foi de " Mazizien ".