Les Grenades

Women 100 : une initiative féministe inédite en Belgique et en Europe

Women 100 : une initiative féministe inédite en Belgique et en Europe

© Karema Menassar

Par Camille Wernaers

Le weekend dernier, une centaine de femmes se rassemblaient à l’initiative du projet Women100, porté par un collectif de femmes de milieux culturels, sociaux et économiques différents, venant des quatre coins de Bruxelles. Les Grenades ont interviewé Fatima Zibouh, chercheuse en sciences politiques et sociales, qui a participé à l’élaboration de cette plateforme féministe qui fait la part belle à la démocratie délibérative et participative.

Qu’est-ce que la plateforme W100? 

Le W100 a plusieurs origines, il est au confluent de toute une série d’initiatives qui visent à redonner la parole aux citoyen.ne.s. Cette plateforme prend donc sa source dans la rencontre de femmes particulièrement impliquées à Bruxelles et a deux objectifs. D’une part, elle vise la rencontre entre des femmes véritables actrices de changement à Bruxelles mais qui ne se connaissent pas. On rencontre tous les jours des femmes qui sont complètement invisibilisées, pourtant elles ont un impact énorme dans leur quartier, dans leur communauté ou sur certaines thématiques en particulier, comme l’environnement ou le sans-abrisme. Dans une ville aussi multiculturelle et multilingue que Bruxelles, il nous semblait nécessaire de créer un espace d’échanges et de rencontres. D’autre part, le second objectif vise la réflexion pour l’élaboration d’une vision commune de Bruxelles sur des enjeux particuliers comme la question des inégalités ou de l’espace public partagé, tout particulièrement en tant que femmes. L’idée étant de donner la possibilité aux femmes de se réapproprier une parole qui leur est trop souvent confisquée dans le débat public.

En quoi est-ce un projet féministe ? 

Il est féministe dans la mesure où ce projet revendique la place des femmes dans l’espace bruxellois mais c’est un féminisme qui se veut avant tout inclusif. On sait que le mouvement féministe est pluriel. Nous avons une charte avec des valeurs où l’inclusion est au centre de nos préoccupations. Ces femmes ont été choisies sur base d’une méthodologie très particulière dans la mesure où nous avons essayé d’avoir une photographie de la réalité des femmes bruxelloises en croisant différentes données statistiques et en adoptant des mesures correctrices pour viser  une diversité maximale.

On rencontre tous les jours des femmes qui sont complètement invisibilisées (Fatima Zibouh)

Comment cela s'est passé concrètement ?

Nous voulions une journée entière en plein cœur de Bruxelles, à la Bourse, pour échanger et réfléchir ensemble mais aussi en plus petits groupes autour de 10 tables composées de 10 femmes, accompagnées par une facilitatrice pour organiser les discussions. Tout s’est fait dans un cadre multilingue, avec des femmes investies non seulement dans des univers complètement différents mais aussi originaires de tous les continents. Nous avons rapidement été impressionnées par la qualité des échanges, l’implication de toutes les participantes aux différentes discussions mais surtout la belle ambiance qui régnait durant toute cette journée, qui répondait à un réel besoin, celui de se connaître et de s’inspirer mutuellement.

Quelles sont les conclusions de ce weekend ? 

Nous travaillons actuellement sur les résultats de cette journée car il y a toute une série de réflexions importantes qui ont émergé de ces discussions. L’objectif est d’arriver à une note que nous soumettrons aux participantes et éventuellement aux décideurs et décideuses politiques pour le prochain gouvernement. Nous souhaitions être le moins prescriptives possible pour donner la possibilité aux participantes de décider elles-mêmes du produit final.

Quelles seront les suites de votre plateforme? 

L’idée est que le W100 soit le lancement d’un projet qui vise à réunir 1000 femmes bruxelloises, un W1000. Et pourquoi pas aussi d’autres W100 dans d’autres villes ! On s’est rendue compte de l’importance de ce types d’initiatives, tout particulièrement dans un contexte où le fossé se creuse entre les citoyen.ne.s et le politique. Nous avons besoin de ce type d’espace pour réfléchir ensemble autour des enjeux de Bruxelles, pour identifier les problèmes mais aussi pour trouver des solutions, non pas contre mais avec le politique qui doit être plus à l’écoute de ces actrices de terrain, qui chacune à leur façon sont de véritables expertes de leur matière. D’ici là, certaines ont émises l’idée de constituer un réseau de femmes bruxelloises qui veulent s’impliquer davantage dans cette dynamique… Espérons que ce soit le début d’un mouvement bruxellois au féminin !

Que pensez-vous de la médiatisation du weekend ? Pour le dire autrement : si cela était 100 hommes qui s'étaient rencontrés avec ces objectifs, ne pensez-vous pas que la médiatisation aurait été différente ? 

C’est l’un des seuls points faibles de cette journée. Les médias étaient absents. On s’est rendue compte qu’on parle souvent du fossé entre politique et citoyens mais force est de constater qu’il y en a aussi un entre les médias et les citoyens. Ils avaient tous été contactés, mais seul un média flamand bruxellois a évoqué le W100. C’est d’autant plus dommage que cette initiative revêtait un caractère complétement inédit car c’est la première fois qu’une telle assemblée citoyenne féminine était organisée à Bruxelles mais aussi en Belgique. Certaines expatriées investies dans des réseaux de femmes européennes confirment que c’est même une première en Europe ! Il faudrait réfléchir sur les mécanismes qui invisibilisent ce type d’initiatives, particulièrement lorsqu’elles sont portées par des femmes. Je pense que les médias doivent s’interroger de façon structurelle sur la façon dont ils s’organisent. Il y a des journalistes formidables, mais qui sont parfois confronté.e.s à une absence de sensibilisation sur les enjeux liés aux genres et à la diversité… Malgré quelques efforts, il y a encore beaucoup trop de logiques liées à l’entre-soi au sein de la plupart des médias qu’il faut absolument questionner.

Propos recueillis par Camille Wernaers

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