La Panne, Coxyde et Nieuport abritent des réserves naturelles accessibles en tram, à pied ou à vélo. Grandeur Nature vous invite à découvrir toute la vie qui se cache à peine au milieu des dunes.
Duinpanne, porte d’entrée de zones naturelles uniques
Matinée de léger crachin à La Panne, le soleil est attendu pour l’après-midi. L’occasion de s’inviter pour 10 h au centre provincial Duinpanne, Olmeendreef. On y découvre la mer autrement, à 3 km seulement de la plage, mais toujours dans des chapelets de dunes. Des dunes grises ou blondes, paraboliques ou mobiles, à oyat… L’une n’est pas l’autre, certaines sont arides, d’autres pas. On vous l’apprend ici aux portes du Oosthoek et du Westhoek (400 ha), ou du plus modeste Houtsaergerduinen et ses 86 ha enclavés entre les zones résidentielles à l’arrière de La Panne et de St.-Idesbald.
Au milieu du Calmeynbos (20 ha de forêt dunaire), le centre Duinpanne se situe bien au cœur de zones dunaires, boisées et humides. Outre sa promenade-découverte extérieure, le centre propose des expositions temporaires et permanentes dans ses quatre salles. De manière ludique et interactive, jeunes et moins jeunes découvrent la vie des fonds marins. Et aussi celle tout autour de la Mer du Nord, dans les airs comme le long de ses côtes. Chaîne alimentaire, bancs de sable, changement climatique, pollution, dunes, mares et prairies… sont là à portée de main, des yeux et des oreilles. Le tout sous la supervision du VLIZ (Vlaams Instituut voor de Zee).
" Nous sommes gratuits et ouverts toute l’année. Notre centre, accessible aux PMR, est unique sur la Côte belge. Outre des journées spéciales comme le Festival Nature fin septembre, nous proposons aussi des activités, jeux et balades extérieures avec guides ", explique Heidi.
Le Oosthoek, comme le Westhoek, à portée des yeux depuis la tour panoramique de Duinpanne, hébergent notamment moutons, bovins Higland écossais et chevaux Koniks pour garder les paysages ouverts. Les dunes du Oosthoek créent le lien entre celles du Westhoek et du Houtsaeger. Ce sont des crêtes dunaires ou des dunes paraboliques séculaires séparées par des pannes, sorte de réservoirs naturels où l’eau s’accumule parfois dans les zones plus basses. En ce printemps, les mares dunaires du Westhoek ont permis au crapaud calamite et au triton crêté de frayer. Ailleurs, Saxifrage, orpin, mousse et lichens couvrent le sol par endroit. La légère décalcification du terrain profite notamment au rosier pimprenelle parfumé, au thym de bergère, à, la pensée des dunes et à la jasione des montagnes. Entre zone de dune et polder, une multitude de fleurs s’épanouissent, profitant aux insectes et papillons comme le petit nacré. Parmi les buissons, épineux ou non, acheminées par le vent ou les oiseaux, des graines de plantes exotiques cultivées dans les jardins colonisent les dunes littorales. Ces envahissantes font disparaître des espèces indigènes comme l’agreste ou le panicaut maritime. Rosier rugueux et mahonia sont ainsi combattus, car ils n’offrent pas de nourriture à la faune locale. Leur feuillage capte toute la lumière et empêche notamment la pousse d’aubépine, de fusain d’Europe ou de troène commun. Et donc la mise à disposition de leurs baies et fleurs aux hôtes naturels.
La crevette grise se pêche, se cuit et se décortique ici
L’itinéraire cycliste Westkust (48,5 km) fait découvrir en mode nature le littoral entre La Panne et Nieuport. On s’arrête à Coxyde-Oostduinkerke qui abrite la plus haute digue de la Côte, celle du Hoge Blekker qui domine plus de 700 ha de réserves naturelles protégées. La commune abrite aussi d’authentiques pêcheurs à cheval. Sous leur ciré jaune, à marée basse ce matin, ils mènent leurs valeureux brabançons à l’arrière des premières vagues. Une activité qui attire de nombreux photographes amateurs ou professionnels. Parmi eux, Henri " Chouchou " qui compte quelque 40 000 clichés de l’activité ; deux d’entre eux décorent les murs de l’Office du tourisme d’Oostduinkerke.
Depuis 2013, ces artisans-pêcheurs figurent sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. D’avril à octobre, au départ de l’Astridplein et de la Groenendijk, hommes et femmes offrent un spectacle étonnant. De longs filets, tirés sous l’eau et à même le sable, sollicitent le travail de leur monture solidement harnachée. En remuant le fond marin, leur harnachement singulier permet d’accumuler par centaines des crevettes grises enfouies dans le sable. Une tradition perpétuée par des familles locales attachées à leurs chevaux de trait. Eddy D’Hulster, citoyen d’honneur de la commune de Coxyde, est actif sur la plage et dans les écuries depuis 53 ans. " J’ai commencé en 1968 durant mes temps libres, explique l’homme qui était opérateur à Radio Oostende. Ma prise record a été de 106 kg de crevettes grises en une seule marée. " Des prises alors vendues au porte-à-porte. Aujourd’hui, Eddy cède progressivement le relais. La jeune génération mord à la passion, la profession s’est aussi féminisée.
Du filet au port, de la cuisine à l’assiette
En bisque, en croquette, farcie dans une tomate… les restaurateurs de la Côte travaillent la crevette grise toute l’année. Les meilleures ventes pour les poissonniers et grossistes se font cependant dès la fin de l’été jusqu’en novembre. C’est à cette période que Crangon crangon, nom scientifique de la crevette grise, est la plus grosse. " Vismijn, la criée de Nieuport est communale. Deux fois par semaine, nous proposons aux touristes une démonstration de la manière dont est vendu et traité le poisson et les crevettes au retour des bateaux. C’est sur réservation à l’Office du tourisme ", explique Philippe qui a été poissonnier itinérant durant près de 40 ans. Il se charge aux aurores des mises aux enchères des retours de pêche de manière informatisée : à 6h30 pour le poisson, à 7h pour la crevette. Deux crevettiers d’une vingtaine de mètres de long sont à quai ce matin ; le Nautilus et le Rudy repartiront cette nuit vers les bancs de sable pour ramener quelques centaines de kilos au petit matin. " Nos crevettes grises, cuites directement sur les bateaux, seront consommées dans les deux jours. " Souvent chez les restaurateurs des environs, mais pas que. Des mareyeurs emportent parfois des lots entiers pour leurs clients. Aujourd’hui le prix des crevettes grises a débuté à 15 € pour finir à 9 € ; l’offre et la demande déterminent le prix. Et plus de pêche électrique, les prises sont très sélectives ; les juvéniles passent à travers les mailles du filet.
A Nieuport toujours, Marktstraat, de Wasserette est un ancien lavoir transformé en restaurant. Dans leur cuisine ouverte, depuis cinq ans, HanneLore et Wibo cuisinent le poisson. Elle décortique les crevettes pendant que lui vide ses poissons et nettoie ses crustacés labellisés " Visserij Verduurzaamt " pour pêche durable. Pour les proposer à la carte en grande ou petite portion, pour mieux partager le large choix en produits frais de la mer. " La carte change en fonction des poissons pêchés et aussi des saisons. On privilégie les bonnes prises. Des coquillages, il y en a toute l’année, mais ils sont meilleurs l’hiver. Ainsi, la plie ce n’est jamais avant mai. Celle de la Côte est plus tendre, avec moins de chair. Le bar, on le veut capturé à la ligne, car pris au filet, il présente souvent des blessures et des poches de sang. "
Ijzermonding, unique environnement estuarien du pays
L’Ijzermond, c’est 130 ha de réserve naturelle qui fut par le passé terrain de golf et huîtrières. L’Izer, auquel elle doit son nom, prend sa source en France et se jette en Mer du Nord à Nieuport. Cette embouchure offre un magnifique chenal aux plaisanciers pour sortir leur bateau vers la haute mer. Alain Moes, guide naturaliste, veille sur ces prés-salés (schorre et slikke) et vasières en bordure de cet estuaire très artificialisé en face. Il y organise aussi des visites guidées dans la zone non accessible au grand public. " Durant la marée haute, on ferme les écluses. C’est le seul endroit en Belgique où on a un estuaire ". Escaut et Meuse retrouvent en effet la mer sur le territoire hollandais. " Cette réserve protégée est notre petite baie de Somme en quelque sorte. Le mélange d’eau de mer saumâtre et d’eau douce du fleuve crée un biotope particulier pour la flore et la faune. Pour les ornithologues, cette période printanière est la plus intéressante avec la fin de l’été. " Pas de colonies de phoques ici, mais quelques sujets prennent le soleil parmi une flore halophile ou non. Lavande de mer, salicorne, aster maritime ou statice vulgaire colorent les dunes herbacées, tandis que les dunes grises et blanches séparent la réserve de l’estran. Une multitude d’oiseaux occupent le site. Certains sont migrateurs et font une halte. D’autres sont à demeure, comme les cormorans.
Grandeur Nature c’est dimanche de 13h à 15h sur Vivacité et à tout moment en podcast sur RTBF Auvio !
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