Après trois semaines d’audience, douze jurés ont entamé mardi matin les délibérations pour déterminer le sort de Harvey Weinstein. L’ancien producteur de cinéma devait répondre à cinq chefs d’accusation, notamment pour viol et harcèlement sexuel, et risque la prison à perpétuité. Cependant, malgré les témoignages accablants de centaines de femmes, il est impossible de prédire l’issue de ces délibérations. Au-delà des victimes qui attendent réparation, l’enjeu sociétal est gigantesque avec le mouvement #metoo en toile de fond qui avait été lancé suite à cette affaire graveleuse.
D’après Valérie Piette, professeure d’Histoire contemporaine à l’ULB et chercheuse en Histoire des femmes, du genre et des sexualités, le procès Weinstein représente un symbole extrêmement fort. Plus que l’enjeu du sort d’un homme et de ses victimes, cette affaire incarne un nouveau moment de rupture dans l’histoire des femmes, à l’image de grands courants historiques comme les Suffragettes. C’est un véritable accélérateur du mouvement de libération des femmes, dans le prolongement des années 70. Il y a un avant et un après #metoo.
Un acquittement total d’Harvey Weinstein est difficilement imaginable, mais néanmoins possible puisque le système judiciaire américain le permettrait. En cas de viol ou d’agression sexuelle, il n’existe malheureusement pas toujours de preuves matérielles ni de témoins. C’est bien souvent la parole de l’une contre celle de l’autre. Or, si les femmes sont davantage encouragées à porter plainte depuis deux ans, dans le cadre de ce mouvement de libération de leurs voix, elles savent à quel point leur témoignage restera suspect. Elles pourront être traitées d’opportunistes, elles devront justifier la taille de leur jupe, détailler le contexte éventuellement alcoolisé… En cour d’assises, le voyeurisme est exacerbé et les femmes doivent dévoiler toute leur intimité. Voilà pourquoi en France, à peine 8% des femmes violées entameront des procédures judiciaires.
Si Weinstein est acquitté, les femmes risquent de continuer à avoir peur de porter plainte. À l’inverse, si Weinstein est condamné, cela pourrait représenter un signal fort dans le monde entier, ce serait une première et ferait jurisprudence. Dans ce débat houleux nouvellement porté au cœur de la place publique, la parole des femmes commence à être prise en compte, mais l’équilibre est fragile.