Chroniques

Wallonie : choisir ou subir le régionalisme ?

Par Bertrand Henne via

Le régionalisme wallon s’invite comme chaque année aux fêtes de Wallonie et surtout dans les discours politiques. Les régionalistes ne peuvent que constater que leur cause est en déclin dans la population. Et pourtant, dans les prochaines années, la Wallonie est appelée à plus d’autonomie.

Paradoxe

C’est un triste paradoxe pour la Wallonie. D’un côté le récit nationaliste est en déclin. Il est moribond par rapport à ce qu’il a été jusqu’au début des années 2000. D’un autre côté, plusieurs facteurs jouent pour que la Wallonie s’impose de plus en plus politiquement avec une autonomie accrue. Ce paradoxe risque d’implanter une sorte de régionalisme subi plutôt que choisi en Wallonie, avec le risque d’un rejet, d’un échec du projet régional.

Déclin

Développons ces éléments. D’abord sur le déclin du récit régionaliste. On parle ici de l’idée que la Wallonie aurait plus à gagner à l’autonomie qu’à l’État Belgo-flamand (pour reprendre les termes des militants wallons).

Quand Jean Claude Marcourt, président du Parlement wallon rappelle que c’est grâce à la richesse de la Wallonie qu’on a pu doter la Flandre d’infrastructures comme le port d’Anvers, il s’inscrit dans ce récit-là, celui d’un Etat Belge qui a été mis au service de la Flandre et pas assez de la Wallonie.

Le problème c’est que le récit régionaliste wallon est de plus en plus mis en minorité par rapport aux récits belgicains. Les récits unitaristes du PTB de Raoul Hedebouw, et du MR de Georges Louis Bouchez. Les récits fédéralistes des Engagés, d’Ecolo et de Défi.

Les régionalistes, assumés, se font rares, c’est sans doute au PS qu’on en trouve le plus. Il y en a quelques uns au MR bien caché derrière le discours ultra belgicain du président. Il y en a aussi, çà et là ailleurs. Les raisons de ce déclin sont nombreuses et discutées. Pour faire simple, à la différence de la Flandre, les promesses du régionalisme wallon n’ont pas été à la hauteur d’un point de vue économique et même culturel.

L’horizon régional

Le régionalisme est appelé à se renforcer dans les institutions d’où un décalage entre la réalité sociologique et institutionnelle. Car la fédération Wallonie Bruxelles semble en bout de course. La trajectoire budgétaire, en mode piste noire, conduit dans le mur ou au sauvetage par les régions. La reprise des compétences par les deux régions Bruxelles et la Wallonie est une idée qui progresse. Elle aurait le mérite de simplifier un peu le paysage institutionnel, pour se diriger vers une Belgique à 4 régions.

L’autre vent dans le dos du régionalisme wallon c’est évidemment la puissance du nationalisme flamand. Le Vlaams Belang et la N-VA, deux partis séparatistes, sont proches de représenter la moitié de la population au nord. Si ces scores se confirment, une grande réforme de l’Etat semble inéluctable.

En secret, certains partis s’y préparent dans le Sud. Mais en secret, car même Paul Magnette, président du PS, parti censé être le plus régionaliste, dit qu’une 7e réforme de l’Etat n’est ni nécessaire ni souhaitable. Le même Paul Magnette dit qu’on ne touchera pas à la communauté. Il a dit ça en Juin, ce jour-là les régionalistes au PS se sont senti trahit. Ce week-end dans les discours ils ont eu leur bon de sortie et ont pu se consoler. Mais c’est un fait le régionalisme wallon doit se faire discret.

Le risque de la discrétion

Et cette discrétion est un pari risqué pour les partis francophones. Le retour de l’unitarisme au PTB et au MR n’a pas d’équivalent au nord, ou très peu. Les rapports de force ne sont pas du tout favorables à une recentralisation massive des compétences. C’est même l’inverse, ces rapports de force vont plutôt dans le sens d’une autonomie accrue.

L’unitarisme francophone pourrait bien être le fossoyeur de la Belgique. Xavier Mabille conclut sa Nouvelle histoire politique de la Belgique par ces mots : le jeu complexe des clivages, des asymétries entre nord et sud aujourd’hui reflétée dans les institutions, font peut-être obstacle à la rupture. […] La question se pose de savoir si ce n’est pas dans une certaine asymétrie que réside la clé de voûte d’une certaine unité.

Bien sûr les rapports de force ça, ce change. Le PTB gagne du terrain en Flandre et Georges Louis Bouchez laboure la Flandre pour parfaire son image. Mais pour 2024 une inversion semble utopique. Ce qui risque d’arriver c’est qu’après un blocage inextricable les francophones négocient une autonomie accrue sans y être préparés et sans y préparer la population.

Sans base sociale le régionalisme ne sera pas légitime, et sans préparation il risque d’être inefficace. Bref, il risque d’échouer. Parler du régionalisme le week-end des fêtes de Wallonie et seulement là, ne sauvera pas les Wallons.

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