Voyage en gastronomie africaine avec le "prince de Yeoville", le "Matonge" de Johannesburg

Voyage de gastronomie africaine avec le "prince de Yeoville", le "Matonge" de Johannesburg

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Par Valérie Hirsch

Sanza Sandile invite ses convives à déguster sa cuisine de fusion africaine en écoutant ses récits pleins d’humour à Yeoville, le "Matonge" de Johannesburg.

"Le bourgmestre de Bruxelles est venu diner ici, fin août, à l’occasion d’une réunion internationale à Johannesburg. On a passé une excellente soirée", raconte Sanza Sandile. Cet ex-réalisateur de films a ouvert le “Yeoville Dinner Club” il y a quatre ans.

"Bienvenue à Yeoville !", lance-t-il à ses clients - Blancs et Noirs, étrangers et Sud-africains – qui s’asseyent autour de l’unique table en bois de 18 couverts. Situé à l’étage, le minuscule restaurant surplombe une rue très animée de Yeoville. Ce soir-là, plusieurs convives n’ont pas honoré leur réservation.  "Le quartier a mauvaise réputation, déplore Sanza. Même les taxis Uber ne s’y aventurent pas". Ils craignent aussi la vindicte des taximen locaux, qui n’apprécient pas leur concurrence.

Point d’entrée des migrants de tout le continent, Yeoville est le seul quartier de Johannesburg où les Sud-Africains sont en minorité. On s’y croirait à Kinshasa, tant les Congolais y sont nombreux.

Au marché, Sanza s'approvisionne en poisson séché, gombos et plantin. Originaire de Soweto, cet homme de 44 ans à l'énergie bouillonnante est arrivé à Yeoville en 1995 comme étudiant. Il a été l’un des fondateurs et journaliste vedette de YFM, la première radio destinée aux jeunes Noirs.

C’est dans les arrières cuisines de Yeoville,  qui n’abrite pas moins de 18 bouis-bouis nigérians, mais aussi éthiopiens, camerounais et congolais, que Sanza s’est initié à cette cuisine "mystique" comme il l’appelle. "Les gens du quartier disent que nous, les Sud-Africains, ne savons pas nous déhancher, ni cuisiner. Je leur ai dit "Montez-moi vos recettes". Mais je ne sais toujours pas danser!".   

Sa table offre une excellente cuisine africaine de fusion, déclinée en une dizaine de plats colorés, surtout végétariens.

 

Voyage de gastronomie africaine avec le "prince de Yeoville", le "Matonge" de Johannesburg
Voyage de gastronomie africaine avec le "prince de Yeoville", le "Matonge" de Johannesburg © Tous droits réservés

Formidable conteur, Sanza présente chaque plat avant de se lancer dans un florilège d’anecdotes inspirées par ses visiteurs, son passé rasta, ses voyages et sa culture cosmopolite. "Il improvise comme un musicien de jazz sur tout ce qui passe dans l’air", s’émerveille Samson Mulugeta, un client d’origine éthiopienne.

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Voyage de gastronomie africaine avec le "prince de Yeoville", le "Matonge" de Johannesburg © Tous droits réservés

Le "prince de Yeoville" parle avec passion de son quartier, qui inspire la crainte, voire le mépris chez les Noirs Sud-Africains, réputés pour leur xénophobie à l’égard des migrants du reste du continent. "La colonisation nous a amené à détester les autres Africains, explique une cliente Sud-africaine noire, qui préfère garder l’anonymat. Si on m’a induit à penser que les Nigérians sont sales, je n’aurai pas envie de gouter leur nourriture. Sanza nous aide à lutter contre ces préjugés".

Même s’il reconnait que Yeoville a son lot de problèmes (surpopulation, insalubrité, criminalité), il rêve en faire "un modèle d’intégration". Le prix de la soirée est élevé pour les locaux (entre 25 et 30 euros). Mais personne ne regrette ce moment de convivialité avec le "prince de Yeoville".

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