Au Grand Théâtre de Genève se donne jusqu’au 7 mars Il Ritorno d’Ulisse in patria de Claudio Monteverdi. Nicolas Blanmont y était et vous en parle.
Le collectif anversois FC Bergman avait signé en 2018 à l’Opéra flamand une mise en scène des Pêcheurs de perles de Bizet dont l’idée-force – transférer l’action dans une séniorie – n’avait pas entièrement convaincu. On les retrouve à Genève pour une lecture tout aussi inattendue mais cette fois plus convaincante d’Il ritorno d’Ulisse in patria, le deuxième des opéras de Monteverdi qui nous soient parvenus.
De retour de son Odyssée, Ulysse (émouvant Mark Padmore) est en transit dans un aéroport. Sur le carrousel des bagages défilent sans fin ses bagages : l’œil du cyclope, une immense pomme d’or des Hespérides ou la tête de bois du cheval de Troie. Seul Eumée (excellent Mark Milhofer), le berger accompagné de ses chèvres (de vraies chèvres ! dans l’aéroport !) l’a reconnu. Penelope (bouleversante Sara Mingardo) semble perdue dans la salle d’attente, accompagnée de Melanto (la très fraîche Julieth Lozano) et assiégée par les prétendants : les trois du livret, bien sûr, mais aussi une quinzaine de figurants, tous en costumes modernes (les autres personnages sont en vêtements mythologiques), l’entourant, l’oppressant. Il y a des gags un peu potaches (Neptune représenté par une fontaine d’eau et Jupiter par un coffret électrique), l’hémoglobine gicle comme chez Tarantino quand Ulysse massacre les prétendants, mais tout cela n’empêche pas une véritable poésie dans les scènes clés de l’opéra.
Les puristes se scandalisent des multiples coupures effectuées dans la partition, mais la direction musicale de Fabio Biondi est elle aussi poétique et éminemment théâtrale.