Y-a-t-il un même fil entre le succès de la Lega de Salvini en Italie (parti d'extrême droite annoncé à quelques 34% dans les intentions de vote), les sondages tonitruants du Vlaams Belang chez nous ou encore la victoire de Boris Johnson en Grande Bretagne? Est-ce l'heure du national-populisme? Et surtout, ce mouvement est-il inarrêtable? Pour en débattre ce soir sur le plateau de CQFD: Arnaud Zacharie, secrétaire général du CNCD 11.11.11, auteur du livre "Mondialisation et national-populisme: la nouvelle grande transformation", et Catherine Xhardez, politologue et chercheuse à l'Université de Concordia à Montréal.
Repli souverainiste et identitaire
Pour Arnaud Zacharie, ces trois mouvements répondent du national-populisme, avec des stratégies différentes: "il y a les partis d'extrême-droite traditionnels comme le Vlaams Belang, le Rassemblement National en France ou le FPÖ en Autriche, qui sont dans une stratégie de dé-diabolisation et essaient d'être plus fréquentables, paraître comme des partis de gouvernement, et puis il y a les partis qui n'ont aucune filiation avec l'extrême-droite au départ, la Lega issue de la Ligue du Nord en Italie, mais aussi le Fidesz de Viktor Orban qui est membre du PPE, qui sont des partis qui se sont radicalisés, alors qu'ils étaient de droite modérée".
"Le courant national-populiste est à la fois un repli souverainiste et identitaire", explique Arnaud Zacharie, "il consiste à opposer les intérêts du peuple à ceux des élites et des minorités [...] On cible des boucs émissaires qui profiteraient du système: les immigrés, les assistés, les homosexuels, voire les femmes. Et on essaie de remobiliser le peuple contre".
Les partis eux-mêmes créent des problèmes politiques
"Leur point commun, c'est le discours anti-immigration", poursuit Catherine Xhardez, "et ils en font un problème politique de premier plan. L'offre politique joue beaucoup ici: ce sont parfois les partis eux-mêmes qui créent les problèmes politiques [...] Et l'extrême-droite est un entrepreneur politique de premier plan pour politiser l'immigration et en faire un problème, alors qu'il n'y a pas toujours d'opinion publique ou d'événement contextuel défavorable. Il faut être conscient de cette construction qui a des conséquences importantes sur le débat politique, en normalisant des opinions racistes, xénophobes", explique la politologue.
Arnaud Zacharie pointe un tournant dans ce contexte: la crise de la mondialisation néo-libérale en 2008. "Jusqu'en 2008, les partis d'extrême-droite ont pu jouer un rôle contestataire mais sans avoir suffisamment d'adhésion pour accéder à des gouvernements", explique-t-il. "Après la crise de 2008, doublée des conflits au Moyen-Orient qui ont entraîné leurs lots de réfugiés, tout cela a créé un contexte favorable au discours national-populiste dont le succès est lié au fait qu'il retraduit en enjeux culturels des enjeux économiques [...] Plus on parle d'immigration, et de surcroît de manière négative, plus le national-populisme va remporter de succès électoraux".