Chroniques

Vivaldi : un Noël en chemin de croix

Les coulisses du pouvoir

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Un compromis est intervenu sur la fiscalité des droits d’auteur. Un compromis suffisamment baroque pour que personne n’y comprenne plus rien. La Vivaldi termine son année politique dans une sorte de chaos organisé. Commission Congo, asile, nucléaire, pension, budget, marché du travail, fiscalité, autant de stations sur le chemin de croix d’une Vivaldi qui voit arriver la trêve de Noël. Une trêve qui si elle a lieu, sera très brève.

Droits d’auteur

Le dossier des droits d’auteur s’est ajouté, sur le chemin comme une station supplémentaire. Au départ, un régime fiscal très préférentiel, censé protéger les œuvres littéraires et artistiques. Une niche dans laquelle se sont réfugiés, depuis quelques années de plus en plus "d’auteurs". Des journalistes, des architectes et des informaticiens, ces artistes du code.

Un accord est intervenu en conclave, il faut réduire cette niche. Revenir à son sens initial littéraire et artistique. Problème, dans chaque niche il y a des chiens qui aboient, les journalistes indépendants qui utilisent le système ont râlé sans presque aucun effet.

Le secteur de l’IT, qui utilise massivement la niche pour ses développeurs de logiciels s’est beaucoup mobilisé. Un logiciel est assimilé à une œuvre littéraire. Or le secteur de l’IT se porte très bien chez nous. A-t-il besoin d’une niche fiscale ? Oui car le secteur explique qu’il va tellement bien en Belgique qu’il a du mal à recruter des talents. Il a donc besoin de cette niche fiscale sinon il ira encore mieux ailleurs.

Chevalier seul

Le MR a donc finalement renâclé et mis la pression sur le ministre des finances. Comme souvent le MR a joué cavalier seul, un chevalier seul même, puisqu’il a promis au secteur de l’IT qu’il ne serait pas exclu de la niche. Pourtant le ministre des finances lui expliquait l’inverse, bonjour la dissonance. Bras de fer, abstention sur le texte, menace à peine voilée de ne pas voter la loi-programme, conciliabules, palabres et donc, au bout du compte : compromis. Le ministre des finances annonce que personne ne sera exclu du nouveau régime des droits d’auteur. Le MR a donc gagné. Oui, sauf que le montant des économies annoncées sur la niche reste quasiment identique à ce qui était prévu au départ. 70 millions en 2024. Le secteur de l’IT, n’y croit donc pas et craint très fort que l’administration interprète la niche de manière restrictive. Personne n’est donc exclu du régime, mais dans les faits certains y auront bien plus droit que d’autres. Baroque et flou, Vivaldi Style.

Réforme fiscale

Ceci inaugure des discussions atrocement compliquées autour de la réforme fiscale. Alors que certains caressaient l’espoir de voir cette ambitieuse réforme annoncée par Vincent Van Peteghem CD&V aboutir d’ici la fin de l’année, elle est reportée au printemps et au conclave budgétaire. C’est-à-dire qu’on va discuter de justice fiscale, de simplification et d’efficacité fiscale alors qu’on aura besoin d’argent. Et même de beaucoup d’argent. Soyons honnêtes ce n’est pas bon signe.

Le FMI a rappelé hier ce que tout le monde savait déjà : la Belgique affiche le pire déficit public de la zone euro, il y a un risque que sa dette s’emballe avec la hausse des taux. On sait aussi que notre déficit pourrait s’alourdir encore car la baisse de la TVA sur le gaz et l’électricité n’est pas encore compensée et qu’il y a trop de mesures non ciblées.

La réforme fiscale, censée être neutre budgétairement, va donc se décider conjointement à de nouvelles recettes. Sans quoi il faudra assumer des économies substantielles dans le train de vie de l’Etat. Ce qui veut dire des réformes douloureuses en matière de sécurité sociale, de pensions, de santé, de chômage.

Procrastination et mur décisionnel

La procrastination de la Vivaldi conduit donc à une sorte de mur décisionnel au printemps. Car dans les questions sans cesse repoussées il y a aussi la compétitivité des entreprises, les salaires, et donc l’index et la loi de 96.

Alors il y a deux manières de voir les choses. Pessimiste, c’est la fin, on vote en juin. Ou, optimiste et se rappeler que c’est souvent quand des gouvernements belges ont été face à des murs décisionnels, des entonnoirs de réformes sous pression de l’extérieur (marchés, UE) qu’ils ont réussi à nouer des accords suffisamment larges pour satisfaire tout le monde. Ce fut le cas, sous Di Rupo après la crise de 2008, ce fut le cas sous Dehaene durant les années 90. C’est à ce moment-là généralement qu’on utilisait l’expression "homme d’Etat" avec tout le flou qui l’entoure. Il n’est pas certain que cette génération politique puisse en faire émerger un. Rendez-vous au printemps, pour la suite du chemin de croix.

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