Renégocier l’Entente sur les tiers pays sûrs avec les Etats-Unis ?
Le sujet, devenu un problème de politique interne, sera au menu des discussions entre Joe Biden et le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, lors de la visite à Ottawa du président américain, ce 23 et 24 mars.
"On va peut-être avoir quelque chose à annoncer", a prévenu Justin Trudeau, évasif, avant l’arrivée de Joe Biden.
Le Québec presse le Canada de renégocier l’Entente sur les tiers pays sûrs (ETPS) avec les États-Unis. De quoi s’agit-il ? Les deux pays ont conclu en 2002 un accord prévoyant qu’une personne doit demander l’asile dans le premier pays "sûr" où elle fait son entrée.
Ainsi, la plupart des personnes qui passent par les États‑Unis pour entrer au Canada ne peuvent plus demander l’asile au Canada. Et cette règle ne s’applique que lorsqu’une personne entre au Canada à un point d’entrée officiel et uniquement par voie terrestre.
Or, à partir de 2017, de plus en plus de demandeurs d’asile ont commencé à franchir la frontière canadienne à des points d’entrée non officiels, se soustrayant ainsi à l’application de l’ETPS. Ils peuvent donc demander l’asile au Canada.
Depuis, certains réclament qu’on élargisse la portée de l’ETPS pour qu’elle s’applique en dehors des postes frontaliers, sur ces chemins irréguliers qui s’étendent sur 6414 km au sud du Canada plus 2477 km entre le Canada et l’Alaska.
D’autres demandent la suspension de l’accord afin que le Canada puisse évaluer les demandes d’asile, sans avoir à tenir compte des décisions prises par les autorités américaines.
Ce n’est pas une priorité pour Joe Biden
Joe Biden acceptera-t-il de renégocier l’accord ? Rien n’est moins sûr. "Pour les Etats-Unis, le problème migratoire est situé à la frontière sud, pas à la frontière nord avec le Canada", rappelle Frédéric Boily, professeur en sciences politiques à l’université de l’Alberta (Canada).
Joe Biden est lui-même attaqué sans relâche par les Républicains sur ce sujet de l’immigration, face à de très nombreuses arrivées à la frontière avec le Mexique. "D’une certaine manière", ajoute Frédéric Boily, "ce flux migratoire vers le Canada est comme une soupape qui contribue, peut-être, à diminuer la pression migratoire sur les Etats-Unis".
Mais Justin Trudeau se veut rassurant en interne, il affirme que les questions frontalières sont une "priorité partagée".
"Ce n’est pas une priorité pour Joe Biden", analyse Frédéric Boily. "Ça l’est pour Justin Trudeau, surtout depuis que plusieurs provinces ont commencé à lui mettre la pression. Le Québec et l’Ontario représentent un enjeu électoral pour son gouvernement. Cela pourrait laisser entendre que pour avancer dans la renégociation de cet accord, Justin Trudeau pourrait accepter de céder à certaines demandes américaines en matière économique ou commerciale".
Les marges de manœuvre pour le Premier ministre canadien semblent limitées. "C’est Joe Biden qui a la main", souligne Frédéric Boily.