Tout le monde ne partage pas l’avis d’Edward Snowden. Ainsi, le FBI s’est récemment inquiété du nouveau système de chiffrement (cryptage) rendu possible par l’iOS 8 de Apple. Son efficacité réputée redoutable a même soulevé des craintes au sein de la Commission (française) de la Défense nationale et des forces armées. Pour certains membres UMP de la commission, la protection des données des utilisateurs freinerait le travail légitime des enquêteurs. Jusqu’à susciter une question parlementaire à destination du ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve. Cette question, posée en novembre 2014, évoquait explicitement la "sécurité renforcée des iPhones 6 et 6 Plus".
Des téléphones sécurisés pas si sûrs
Depuis un an, les téléphones à vocation sécuritaire se multiplient. Le Mobile World Congress de 2014 avait révélé de nombreux smartphones "hyper protégés", mais destinés au marché asiatique.
Certains opérateurs européens s’y sont aussi intéressés. Notamment avec le Blackphone, qui promet de protéger nos données contre les hackers et les pouvoirs publics trop curieux.
Ce smartphone basé sur une version "PrivatOS" tirée d’Android se définit comme un terminal hermétique pour tout type de communication, depuis les appels vocaux jusqu’aux messageries texte, en passant par les vidéos ou les échanges de fichiers. Et la navigation se produira de manière anonyme. Avec un inconvénient majeur : toute appli qui accède à vos données, contacts, agenda, GPS, etc. ne pourra être téléchargée, ce qui réduit d’autant l’intérêt du smartphone. Même l’antique Angry Birds sera arrêté à l’entrée.
"Silent Circle ne détient pas les clés de chiffrement, et ne peut donc pas les livrer aux gouvernements", avait déclaré Phil Zimmerman, l’un des fondateurs de l’entreprise qui produit le Blackphone. Les opérateurs et fournisseurs d’applis ne peuvent pas non plus passer l’obstacle. Avec des limites, puisque Phil Zimmerman avait reconnu lors du lancement de son téléphone privé que nul ne peut prétendre pouvoir empêcher un organisme comme la NSA de pirater un mobile, quel qu’il soit.
Même ce Blackphone, né de la collaboration entre un spécialiste du chiffrement (Silent Circle) et un constructeur (Geeksphone) a déjà montré ses limites. Quelques semaines après la sortie du téléphone noir, un hacker a profité de la publicité offerte par la conférence Def Con pour s’introduire dans les données du Blackphone en quelques minutes.
Aujourd'hui, ce Blackphone est vendu en Belgique, mais pas par les opérateurs. Il n’est d’ailleurs pas le seul téléphone crypté. CEGEM fait de même.
Une autre alternative est celle proposée par BlackBerry dont les données sont stockées sur un serveur distant. Ce qui lui a valu les foudres de plusieurs pays qui exigent que ce serveur leur soit accessible.
Et bien sûr, il y a les logiciels de chiffrage publiés par des développeurs de logiciels (Silent Circle), ou des constructeurs (le système de sécurisation Knox de Samsung).
Chez Base, on reconnaît l’existence de téléphones et de logiciels sécurisés sur le marché, mais c’est en vain que l’on chercherait de tels produits dans son catalogue. Une protection qui, selon Luc Windmolders "ne serait d’ailleurs pas nécessaire". Ces solutions ne sont pas non plus disponibles chez Proximus.
Éviter les opérateurs du net pour se cacher
Si les opérateurs télécom sont tenus de conserver, voire de fournir aux autorités, des informations sur les communications de leurs abonnés, ce n’est pas le cas des entreprises internationales qui proposent des services concurrents sur le net. Ces service qualifiés de "over the top" sont proposés par Skype, Viber Snapchat, Google, ou Whatsap qui cryptent (chiffrent) leur trafic IP.
Les pouvoir publics qui le désirent ne peuvent déchiffrer une communication - Skype par exemple - que s’ils reçoivent cette clé de l’entreprise concernée. Ce qui n’est pas le cas pour l’instant.
Un opérateur évoque le cas d’une commission rogatoire qui a dû se rendre 15 jours au Canada pour obtenir la clé de chiffrage d’un abonné Blackberry. Situés à l’étranger, ces opérateurs du web n’ont aucune obligation à l'égard des pays européens, ce dont profitent tous ceux qui désirent communiquer sans être pistés.
Face à cette situation, l’association des opérateurs traditionnels fait du lobbying auprès des autorités européennes pour créer un cadre réglementaire commun à tous les opérateurs, même s’ils opèrent sur le Web.