Vous avez peut-être déjà vu passer dans votre fil d’actualité, un avis de recherche. Celui d’un jeune disparu ou d’un criminel en fuite… Certains de ces avis ne sont pas publiés en ligne par les autorités, mais par des citoyens ou des commerçants. Or, cette pratique est illégale.
L’histoire se déroule en France, dans la ville de Beaune, en Bourgogne. Deux individus entrent dans la petite fromagerie de la place Carnot, dans le centre-ville. Ils regardent les étals, s’emparent de deux bouteilles de vin (deux magnums), les glissent dans un grand sac et s’en vont, sans passer par la caisse…
Le propriétaire de la fromagerie, contacte la police mais décide aussi de demander l’aide des internautes pour retrouver les voleurs. Il poste alors un message sur Facebook où il explique la situation… Et accompagne la publication de photos issues des caméras de sécurité. On y voit les deux hommes : l’un est âgé d’une cinquantaine d’années, il porte une casquette rouge et un grand manteau noir. L’autre porte un jeans clair et une petite doudoune noire… Leurs visages sont clairement reconnaissables. Le fromager commente : «Ouvrez l’œil, soyez vigilants, et si vous croisez ces deux affreux jojo, n’hésitez pas à nous contacter, ou contacter la police de Beaune !»
Dans les commentaires de la publication, c’est le grand débat entre ceux qui soutiennent la démarche du propriétaire de la fromagerie, et ceux qui sont contre. On peut lire de nombreux «bravos», des commentaires d’encouragements et qui souvent mentionnent l’inefficacité de la Justice française… Et puis certains internautes s’opposent à cette publication. Ils argumentent que justement cette Justice, malgré ses défauts, existe et qu’il faut la laisser faire son travail.
Cette histoire-ci se passe en France, mais en réalité c’est une pratique qui devient très courante. En Belgique aussi, de nombreux commerçants victimes de vol postent en ligne des publications similaires à celle de ce fromager français. Selon le syndicat neutre pour indépendants (SNI), un sur cinq l’a fait en 2017.
Pourtant, c’est illégal
En Belgique, les commerçants ont le droit de mettre des caméras de surveillances mais il y a certaines règles à respecter, ils doivent notamment signaler à leurs clients la présence de ces caméras… d’où ces fameux petits panneaux « Souriez, vous êtes filmés »… Par contre, ils n’ont absolument pas le droit de publier ensuite ces images en ligne. Entre autres parce que même si des personnes sont soupçonnées d’avoir violé la loi, elles conservent leurs droits à l’image. Généralement, puisque la victime veut retrouver le voleur, rien n’est flouté pour que le malfaiteur soit identifiable par ses vêtements ou son visage. Or, c’est une atteinte à ce droit à l’image. Le voleur pourrait donc, s’il est retrouvé grâce à ces images, déposer ensuite plainte contre le commerçant en question.
Et puis, en essayant de se substituer comme ça à la justice, la victime, le commerçant dans ce cas-ci, risque en fait de faire plus de tort que de bien… Concrètement, quand un avis de recherche officiel est publié par les autorités (que ce soit à la télévision après le journal ou en ligne) c’est qu’il a été validé par un magistrat, il y a toute une procédure qui doit être suivie. Or, en publiant ainsi sur internet son propre avis de recherche en dehors des procédures prévues par la Justice, le commerçant risque en fait que ces images de vidéo-surveillance perdent leur valeur de preuve.
La discrétion (et la prise de contact) avec la police serait en réalité le meilleur moyen d’attraper et de condamner les voleurs.