Chroniques

Viaduc Herman-Debroux, la Wallonie et le monde d’avant

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Par Bertrand Henne via

La destruction annoncée du Viaduc Herman-Debroux qui prolonge l’autoroute E411 venant du Luxembourg jusqu’à la station Delta suscite de vives critiques de plusieurs députés wallons.

Bruxelles, capitale ?

Plusieurs députés, tant de la majorité que de l’opposition, issus du Brabant Wallon ont interpellé cette semaine le ministre wallon de la mobilité l’écolo Philippe Henry au parlement de Wallonie. Parmi les phrases lâchées en séance et rapportées par le journal Le Soir : Bruxelles dresse un mur sur lequel viendront se fracasser les automobilistes wallons. Et celle-ci surtout : Bruxelles est-elle encore la capitale de tous les Belges ?

Il est assez remarquable que des élus wallons associent l’accessibilité automobile de Bruxelles au statut de “capitale de tous les Belges” ? C’est remarquable parce que cela témoigne d’une longévité impressionnante des représentations que l’on se fait dans le sud du pays à propos de la capitale. Replongeons nous 50 ans en arrière. Nous vivons dans un état unitaire qui n’avait qu’une seule capitale, une capitale de "tous les Belges". Cet Etat considérait comme un objectif majeur de développer l’accessibilité automobile venant du nord et du sud du pays.

Le viaduc est construit très vite, sans concertation, à l’époque cela n’existait pas, ou presque pas. Les règles urbanistiques étaient allégrement foulées aux pieds. Ainsi pour la petite histoire cet ensemble Herman-Debroux, viaduc des trois fontaines jusque Delt a-t-il été construit sans permis. Il est donc d’un point de vue juridique illégal. A l’époque ce genre de détail ne pesait pas contre l’impérieuse nécessité de rendre accessible à tous les automobilistes belges la capitale de tous les Belges.

Sauf que, sauf que la capitale de tous les Belges était la capitale des Wallons et des Flamands, et qu’on a oublié un léger détail dans cette affaire, les Bruxellois.

Fait régional

Lorsque le fait régional s’est imposé, la remise en cause de ces ouvrages imposés à Bruxelles dans les années 70 est devenue progressivement une revendication politique à Bruxelles. Mais bon nombre de wallons et les flamands ont toujours des difficultés à l’accepter. C’est un wallon qui vous le dit : manifestement, la représentation du rôle très “utilitaire” de la capitale de la part de certains élus wallons et flamands reste forte. Bien sûr, le problème est aussi électoral. Les élus courroucés au parlement proviennent du Brabant Wallon.

Bien sûr il est aussi question d’intérêts économiques puisque la capitale reste une pourvoyeuse très importante d’emplois wallons, en particulier du Béwé. Il est incontestable que l’établissement d’infrastructures desservant Bruxelles depuis une région à l’époque largement rurale à considérablement enrichi le Brabant wallon. Mais, la question se pose de savoir à quel point c’est encore vrai aujourd’hui. Entre-temps un écosystème économique très puissant s’est développé, notamment autour de l’UCL ou de GSK. Il est assez clair que les difficultés d’accès dans la capitale constituent aussi un atout qui pousse des centaines d’entreprises à s’installer en Wallonie plutôt qu’à Bruxelles.

Penser comme avant ?

Les wallons devraient plutôt applaudir à la fin du Viaduc Herman Debroux. Si on est un minimum régionaliste, il faut être cohérent. Il faut reconnaitre que bruxelles à bien le droit de défendre ses intérêts, réduire l’empreinte automobile dans la capitale et tenter de freiner l’exode urbain (car c’est l’un des enjeux derrière le viaduc). C’est d’autant plus cohérent que les grandes villes wallonnes portent des revendications similaires.

La Wallonie devrait plutôt prendre acte et se demander comment faire de cette évolution un atout pour son économie et ses citoyens qui sont de toute façons contraint de faire évoluer leurs comportements, à cause du prix du pétrole, du changement climatique, ou du covid.

On ne travaille plus comme avant, on ne se déplace plus comme avant, nous vivons un boulversement complet de nos modes de vie et de déplacement. Alors pourquoi donc penser comme avant ?


 

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