La Wallonie se retrouve cette semaine au cœur de l’actualité européenne. En effet, malgré d’intenses discussions en coulisses, le gouvernement wallon met toujours son veto à la signature par la Belgique du CETA, le traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada. Or, sans cette signature, l’application de ce traité est sérieusement compromise.
Pour sortir de cette crise, plusieurs pistes sont évoquées. La plus sérieuse est un document qui serait annexé au traité. Il s'agit d'une "déclaration interprétative" censée clarifier la portée du CETA et ainsi répondre aux préoccupations exprimées par une série d’Etats membres. Cette déclaration serait juridiquement contraignante.
Une interprétation est toujours un processus incertain
Alors, juridiquement contraignante, est-ce que cela signifie qu'elle pourrait avoir une réelle efficacité ? Pour Erik Van Den Haute, professeur à l’ULB en contrats internationaux et codirecteur du LLM International Business Law, la force juridique de cette déclaration interprétative ne réglera pas forcément les problèmes juridiques de l’application du traité : "Cela permet surtout de rassurer les différents acteurs, notamment ici la Région wallonne, sur le sens qu'il conviendrait de donner à certaines dispositions qui lui posent problème dans ce traité. Mais ensuite, il faudra voir comment ce traité sera effectivement appliqué. La difficulté, c'est qu'une interprétation est toujours un processus incertain. Donc, oui, la Région wallonne pourra certainement s'appuyer sur la déclaration interprétative, mais il n'est pas dit qu'un investisseur ou même un tribunal arbitral arrive à la même interprétation".
Erik Van Den Haute juge par ailleurs que les Wallons surestiment la menace que constituerait le CETA : "Il y a une série de choses dans cet accord - et si on lit les mandats qui ont été donné pour la négociation, ça ressort assez clairement -, il y a des protections très importantes. Protection des consommateurs, protection des travailleurs, protection de l'environnement,... Ces questions qui relèvent de l'intérêt général - et auxquelles la Région wallonne et toute la Belgique sont attachées -, constituent autant d'exception au régime de libre-échange. Ces protections semblent suffisantes de mon point de vue".
Une signature belge sans les Wallons ? Peu probable
Toujours est-il que jusqu’à présent, le gouvernement wallon ne se satisfait pas de cette déclaration interprétative et demande de rouvrir les négociations avec le Canada.
Une deuxième piste pour sortir de cette crise a été évoquée par l'Open VLD. Les libéraux flamands exhortent Didier Reynders, le ministre des Affaires étrangères, à signer le CETA au nom de la Belgique, malgré le veto wallon. Pour le constitutionnaliste de l’ULg, Christian Behrendt, cette solution paraît peu sérieuse : "Si le ministre fédéral venait à signer le traité sans disposer des pleins pouvoirs du gouvernement wallon, ce serait illégal aux yeux du droit belge. Si cela devait être le cas, nous aurions alors une situation dans laquelle certaines dispositions du traité pourraient trouver à s'appliquer alors même que l'entité fédérée qui est compétente pour ces matières a souhaité que ce ne soit pas le cas. Cela causerait immédiatement des difficultés d'application du traité. En Belgique, les juridictions devraient considérer que le traité n'a pas à s'appliquer, et à l'international, sans doute considérera-t-on que le traité doit bel et bien s'appliquer. Non seulement c'est illégal mais cela déboucherait immédiatement sur des problèmes d'application du traité et sur la responsabilité internationale de la Belgique".
Interrogé dans le cadre du débat sur la politique générale du gouvernement par la cheffe de groupe PS Laurette Onkelinx, Charles Michel a indiqué que la Belgique ne pouvait "juridiquement et constitutionnellement" signer l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada (CETA) sans l'accord de la Région wallonne.
Dix jours avant la signature finale entre UE et Canada
Reste une dernière piste dans laquelle la Belgique - toute la Belgique, et pas seulement la Wallonie -, se retrouverait hors-jeu. Dans ce scénario, le Canada, la Commission européenne et les autres Etats membres signeraient et appliqueraient provisoirement le CETA. Une solution politiquement délicate, techniquement difficile à appliquer et qui nécessiterait une bonne dose d'imagination juridique.
En attendant, le temps s'écoule. Il est prévu que les ministres européens des Affaires étrangères valident officiellement le CETA ce mardi. Le ministre des Affaires étrangères Didier Reynders expliquera mardi à ses collègues européens les raisons du refus des entités fédérées francophones de Belgique d'autoriser la signature du traité de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada (CETA). "Nous allons continuer à travailler dans les prochaines heures et les prochains jours à une solution", a-t-il indiqué, en estimant que le Conseil européen qui se tient jeudi et vendredi constituerait la dernière chance de trouver une solution.