L’image d’une vache qui titube. Ou celle d’une ferme dans un périmètre de sécurité, ses bêtes partant pour l’abattoir. L’interview d’un expert qui lie la "vache folle" à la maladie humaine de Creutzfeldt-Jakob. Bruxelles immobilisée par des éleveurs en colère.
Des tonnes de farines animales brûlées dans les cimenteries : ces farines, des protéines issues de "restes" d’abattoirs, avaient été identifiées comme vecteurs de contamination de la maladie de la vache folle. Cette crise sanitaire dans les années '90 avait mené à l’interdiction de l’usage de ces farines comme aliment d’élevage dans toute l’Union européenne, en 2001.
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Cette interdiction est aujourd’hui peu à peu levée.
Avec quels garde-fous ? L’Union européenne aurait-elle la mémoire courte ?
Des farines pour les porcs et les poulets
Les farines animales sont aujourd’hui à nouveau autorisées comme aliment dans l’élevage des poissons. Cette autorisation devrait être élargie à l’élevage des porcs et des poulets, mais pas des bovins.
La Commission européenne a fait une proposition en ce sens, dans le cadre de son "Greendeal" et plus spécifiquement de sa stratégie "De la ferme à la fourchette". Cette proposition a franchi l’étape d’une consultation publique et elle a été soumise au vote, positif, des experts des agences de sécurité alimentaire des 27 Etats membres.
La grande majorité, 25 des 27 agences, a voté en faveur de la proposition, dont l’AFSCA en Belgique (l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire), convaincue par les précautions prévues pour la santé publique. Seuls les experts de France et d’Irlande se sont abstenus.
A moins d’un blocage, peu probable, au sein du Parlement européen ou du Conseil, la proposition devrait entrer en vigueur dans le courant de l’année 2022.
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Mais que dit ce texte ?
Ne dites plus "farines animales" mais "PAT"
Il ne parle plus de "farines animales" mais de PAT, "protéines animales transformées".
Il s’agit toujours de poudres ou de granules à haute teneur en protéines, constituées de parties de porc ou de poulet que l’humain ne mange pas : des organes, museaux, os, pattes, ainsi que des protéines constituées de gélatine de ruminants ou d’insectes.
Des "restes" qui, selon la proposition de la Commission, seront donc transformés en farine en Europe, pour consommation sur le continent européen, plutôt que détruits ou exportés hors UE.
Ils seront traités avec les précautions apprises de la crise de la vache folle : prélevés d’animaux sains, propres à la consommation humaine, tracés. Le mode de production de ces farines est défini précisément et sera contrôlé ainsi que sa distribution : les farines de porc ne seront destinées qu’aux poulets et celles de poulets n’iront qu’aux porcs, plus question de "cannibalisme". Et pour limiter les risques d’échange, ces farines animales ne pourront pas être utilisées dans les fermes qui élèvent à la fois des porcs et des poulets.
Enfin, aucune protéine animale n’ira nourrir les vaches, comme c’était le cas dans les années '90. Ces farines ne seront pas autorisées dans les fermes qui comptent des bovins, pour éviter tout risque.
Ces garde-fous sanitaires convainquent la Fédération wallonne de l’Agriculture, la FWA.
Toutes les garanties qu’il n’y aura plus de problèmes
Nicolas Marchal travaille à la FWA, il est conseiller technique sur les marchés de la viande.
Il fait remonter aux politiques européens, fédéraux, régionaux, les réalités de terrain des agriculteurs wallons et en sens inverse, il expose aux agriculteurs et à la population les décisions prises par les politiques au sujet de l’élevage.
Pour la Fédération wallonne de l’Agriculture, explique Nicolas Marchal, cette proposition de la Commission est une bonne chose.
"Au niveau de la Wallonie et avec les éleveurs de porcs, on était d’accord de donner la possibilité d’utiliser ces farines animales. Ces garde-fous, ce sont les règles les plus strictes possibles", estime Nicolas Marchal. "Grâce à ça, il ne sera pas question de retomber dans des travers du passé. Cette proposition donne toutes les garanties au consommateur et au producteur qu’il n’y aura plus de problème."
Plus de problèmes et de multiples avantages, juge la FWA.
Valoriser les restes
"Ces protéines sont tirées de 'co-produits', de parties de l’animal qui ne sont pas commercialisées pour les humains. Ils sont souvent exportés à l’autre bout de la planète. Ou alors on doit débourser de l’argent pour éliminer ces produits, comme des déchets. Alors qu’on pourrait les retravailler pour les remettre dans l’alimentation des porcs et des volailles", explique Nicolas Marchal.
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