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Vaccins contre le coronavirus : le gaspillage ne va pas s’arrêter

Vaccins contre le coronavirus : le gaspillage ne va pas s’arrêter. Photo d’illustration.

© Getty Images

Par Aline Delvoye

La Belgique va devoir jeter des doses de vaccins, et pas un peu : 1,3 million de doses d’ici l’été. D’abord 436.800 doses d’AstraZeneca, qui seront périmées le 31 mai. Ensuite, 880.000 doses de Pfizer et de Moderna en juillet, pour le même motif, lit-on lundi dans Le Soir, qui a obtenu l’information auprès de la task force vaccination. Et cela ne va pas s’arrêter, d’autres millions de doses seront encore gaspillées en Belgique et dans le monde.

Pourquoi la Belgique a-t-elle trop de stocks ?

La task force vaccination explique cette perte. D’abord, il a fallu constituer un stock important de vaccins pour pouvoir offrir à tout moment des vaccins adaptés à l’ensemble de la population.

La coresponsable de la task force vaccination, Sabine Stordeur, détaille les raisons : "Nous avons commandé autant de volume de vaccins qu’il fallait pour une vaccination à trois doses. Donc si on compte 9,5 millions de personnes à vacciner fois trois, cela correspond au volume adéquat. Mais l’amélioration de situation épidémiologique et le fait que certaines personnes n’ont pas encore fait leur premier booster font que cette évaluation est surestimée par rapport à ce qui a été utilisé."

Par ailleurs, les vaccins ont une durée de vie limitée, comprise entre 6 et 12 mois maximum. Pour limiter les pertes, la Belgique a déjà donné 13 millions de doses et espère en donner plus. Pour cela, il faut simplifier les démarches administratives et exhorter les fabricants à travailler sur l’allongement des dates de validité. Pour l’instant, la Belgique a négocié l’absence de livraison de nouveaux vaccins jusqu’à la fin du mois d’août.

Mais pour être prêts face à la recrudescence du virus et pouvoir lancer une nouvelle campagne de vaccination à l’automne, les livraisons reprendront en septembre. Pour Sabine Stordeur, "Si on relance une campagne de vaccination avec le deuxième booster à l’automne, on aura besoin de vaccins frais et adaptés. Il faut savoir que Pfizer et Moderna travaillent à nous fournir des vaccins adaptés au variant Omicron. "

D’autres pays gaspillent

En France, 3,6 millions de doses d’AstraZeneca périment ce mois-ci et au Danemark c’est 1,1 million de doses. C’est ce que révélait récemment le journal le Parisien. Pire, dans le monde, 240 millions de doses de vaccins anti-covid auraient dépassé leur date de limite d’utilisation. Ces chiffres concernent uniquement les pays riches. Le premier vaccin le plus gaspillé est le Pfizer, suivi du vaccin d’AstraZeneca.

Ces données globales proviennent de la société "Airfinity" qui analyse des données de santé. Elle estime que ce bilan est sous-estimé, car les pays pauvres ont déjà dû jeter beaucoup plus de doses périmées que les pays riches. Ce problème ne va pas s’arrêter. D’après les projections d’"Airfinity", les stocks vont continuer d’excéder la demande, comme on le voit sur le graphique ci-dessous.

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Les dons aux pays pauvres sont souvent un échec

En avril 2020, le projet COVAX a été mis sur pied. Il s’agit une collaboration mondiale afin de faciliter accès équitable aux vaccins. L’objectif était que qu’au moins 20% de la population soit vaccinée dans chaque pays. Or aujourd’hui seul 7% de la population des pays à faible revenu a été vaccinée contre 75% dans les pays aux revenus élevés.

Pourquoi ? D’abord parce que les firmes délivrent d’abord les vaccins aux pays riches. Ils ont commandé la majorité des doses disponibles. Ensuite, parce que l’hésitation vaccinale touche également les pays pauvres. Ces pays sont conscients que les vaccins donnés par les pays riches souvent moins efficaces. C’est le cas de l’AstraZeneca ou encore du Serum Insitute of India.

Face au variant Omicron, l’avenir de ces deux vaccins est incertain. La demande croissante pour des vaccins à ARN messager aura également un impact négatif sur l’arrivée de vaccins dans les pays aux revenus peu élèves. Par ailleurs, les doses qui finissent par arriver dans les pays pauvres ont souvent une date de péremption très courte.

L’Europe doit cesser son hypocrisie sur les inégalités vaccinales.

Cela rend la logistique extrêmement complexe à gérer. De nombreux pays doivent alors détruire des millions de doses de vaccin. C’est ce qui est arrivé au Nigéria, comme l’a démontré une enquête du journal le Monde : 1 million de doses ont été jetées à la fin de l’année 2021. Le tout, dans une décharge à ciel ouvert.

Autre problème : les conditions pour pouvoir donner des doses sont souvent contraintes par les règles des fournisseurs. Les laboratoires pharmaceutiques doivent ainsi accorder leur autorisation écrite avant le transfert de vaccins vers des pays bénéficiaires. Cela fait perdre énormément de temps dans le processus de donation.

Les brevets des vaccins en question

Pour de nombreuses ONG, il faut lever les droits de propriété intellectuelle sur les vaccins. Cela permettrait de fabriquer en grand nombre des vaccins à un prix accessible pour les pays aux revenus faibles. L’ONG Oxfam estime que les pays occidentaux ne peuvent se cacher derrière toutes les raisons citées plus haut pour expliquer l’échec de COVAX.

Dans un communiqué, Sandra Lhote-Fernandes, responsable du plaidoyer santé chez Oxfam France, expliquait : " L’Europe doit cesser son hypocrisie sur les inégalités vaccinales. Elle ne peut pas faire de grands discours solennels sur le faible accès aux vaccins en Afrique et bloquer les décisions qui permettraient d’augmenter la production mondiale de génériques et casser les prix des vaccins ! Si les vaccins sont actuellement privatisés c’est en grande partie la faute de l’Europe qui bloque les négociations internationales au service des profits faramineux d’une poignée de groupes pharmaceutiques ".

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