Va-t-on vers une société sans argent liquide en Belgique? En Suède c'est (presque) le cas...

Payer avec son téléphone portable : un geste qui s'impose de plus en plus.

© NICOLAS ASFOURI - AFP

Par Am.C.

Acheter son pain avec des pièces de monnaie ? Sortir des billets à la caisse du supermarché ? Payer ses consommations au bar en argent sonnant et trébuchant ? Autant de gestes qui tendent à disparaître dans un monde où les paiements électroniques prennent toujours plus de place. Cinquante ans après l'inauguration du premier distributeur de billets à Londres, l'argent liquide disparaît peu à peu de nos portefeuilles.

Place désormais au paiement "sans contact", et au virement instantané depuis le téléphone mobile. Même quand il s'agit de partager l'addition au restaurant, il est possible de s'arranger entre amis grâce à l'application Bancontact. Un QR code à scanner... et les bons comptes font les bons amis. Sans oublier le Bitcoin, cette monnaie virtuelle qui a affolé les investisseurs fin décembre 2017.

Alors, arrivera-t-on un jour vers une société sans cash ? C'est presque déjà le cas dans les pays nordiques. La Suède par exemple se prépare à abandonner l'argent liquide au profit des paiements électroniques d'ici 2030. Le sujet était au cœur de l'émission Transversales sur La Première il y a quelques jours (à écouter en intégralité ci-dessous).

Une baisse des retraits d'argent liquide aux distributeurs automatiques s'amorce en Belgique.

Et en Belgique, doit-on s'attendre à délaisser l'argent réel pour l'argent virtuel ? Les Belges ne semblent pas encore prêts à sauter totalement le pas. Une étude publiée par la banque ING en mai 2017 signalait ainsi que "le recours au cash reste central puisque près de 6 Belges sur 10 affirment qu’ils ne souhaitent pas virer vers une économie sans espèce".

Pour Febelfin, la Fédération belge du secteur financier, le cash ne risque pas de disparaître de si tôt. "Nous évoluons vers une société 'less cash' (avec moins d'argent liquide, ndlr) plutôt que vers une société 'cashless' (sans argent liquide, ndlr)", note Isabelle Marchand, porte-parole de Febelfin. Selon elle, "la monnaie papier restera toujours une manière officielle de payer", même si le secteur bancaire milite en faveur des paiements électroniques. 

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Des avantages...

Car la disparition du cash représente de nombreux avantages pour les banques : "Les espèces s'accompagnent de coûts considérables. Impression, vérification, transport...", énumère Isabelle Marchand.

Et puis qui dit paiements électroniques dit traçage des flux financiers. "La limitation du cash, c'est une manière de lutter contre la fraude fiscale", notait récemment Michel Sapin, ancien ministre français de l'Économie et des Finances, dans l'émission Clique Dimanche sur Canal+.

La suppression de l'argent liquide permettrait aussi de lutter plus efficacement contre le terrorisme. "Dans le terrorisme, récemment, toute une série de paiements ont été faits de manière anonyme", rappelait Bernard Bayot, directeur du réseau Financité, sur La Première le 20 janvier dernier (voir l'entretien en intégralité en fin d'article).

Et des inconvénients

Une société sans cash marquerait-elle le début d'une ère sans braquage de banque ? On peut en douter. Pour Laurent Alexandre, médecin et spécialiste de l'intelligence artificielle interrogé dans "Clique Dimanche", "si la monnaie est entièrement numérique, il y a danger que les hackers puissent voler des sommes incroyablement fortes d'argent. Quand vous faites un casse dans une banque, la taille maximum de billets que vous pouvez emmener, c'est un camion. En numérique, vous pouvez potentiellement hacker et voler des milliers de milliards de dollars".

Autre aspect qui pose question : la confidentialité des paiements. Vous avez déjà fait l'expérience : il suffit de se balader sur des sites de vente en ligne à la recherche d'un nouvel appareil photo pour voir aussitôt fleurir partout sur votre navigateur des publicités vous invitant à acheter l'appareil en question. "Tout ce qui est électronique permet de vous pister, insiste Bernard Bayot. Quand vous faites un achat sur internet, (...) on sait directement quel type de profil vous avez et on peut vous solliciter."

Si vous n'avez pas de compte en banque, vous êtes en véritable difficulté

Hervé Alexandre, économiste et professeur à l'université Paris-Dauphine, ne disait pas autre chose dans l'émission de Mouloud Achour sur Canal+. Le risque existe d'une "disparition totale de la confidentialité de tous vos paiements et de vos activités. On saura ce que vous avez consommé à quelle heure et dans quelle boutique. Même si on n'a rien à se reprocher, on n'a pas envie que toutes nos dépenses soient répertoriées".

Et comment feront ceux qui n'ont pas de compte en banque ? "Si vous n'avez pas de compte en banque, vous êtes en véritable difficulté, poursuit Bernard Bayot. Y compris pour des besoins essentiels. La plupart des fournisseurs d'eau, électricité et gaz demandent une domiciliation bancaire."

En Belgique le principe du "service bancaire de base" est inscrit dans la loi. "La loi du 24 mars 2003 modifiée le 1er avril 2007 prévoit un Service bancaire de base et impose aux banques un service bancaire garanti. Cette loi vaut pour tous les établissements de crédit qui, en Belgique, proposent un compte à vue", peut-on lire sur le site officiel belgium.be. Encore faut-il avoir de l'argent - réel ou virtuel - à verser dessus.

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