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Ursula Von der Leyen n’a pas publié ses SMS à Pfizer : "Une opacité si grande de la Commission, c’est du jamais vu !"

© Getty

La Présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen a fait de la santé l’une de ses grandes priorités politiques : se coordonner à 27 face à la pandémie et gérer au niveau européen les commandes de vaccins.

Pour négocier ces contrats de vaccins, la Commission européenne a multiplié les échanges avec les laboratoires pharmaceutiques depuis 2020 : des lettres, mails, recommandés, et… des SMS.

Que disent les SMS entre Ursula Von der Leyen et Pfizer ?

Mais que disent les SMS entre Ursula Von der Leyen et Pfizer ? Impossible à savoir. En avril dernier, le New York Times apprenait qu’Ursula von der Leyen échangeait des textos directement avec Albert Bourla, le patron de la société pharmaceutique Pfizer.

Qu’est-ce qui s’est négocié par SMS ? Et plus généralement, qu’est-ce qui s’est négocié avec les sociétés pharmaceutiques ? Comment se sont passées ces tractations sur les prix des vaccins, sur les flux, sur les clauses de ces contrats ? Pour faire la clarté, des journalistes ont demandé des documents à la Commission. Le contenu de ces SMS a été demandé… sans succès.

La Commission européenne avait répondu que ces textos n’avaient pas été conservés, estimant que les règles de transparence des institutions européennes ne concernent pas ces messages. Il est vrai que ces règles datent de 2001, avant que les SMS et autre Whatsapp ne deviennent un canal de communication répandu.

Ces SMS sont bien des documents politiques

Mais la médiatrice Européenne, Emily O’Reilly, vient de condamner cette attitude. C’est elle qui est chargée de veiller à la transparence et la bonne gouvernance des institutions européennes et de dénoncer publiquement les abus. Ce vendredi, elle a été claire :

"Aucune tentative n’a été faite (par la Commission) pour identifier si les textos en question existaient. Cette façon d’agir ne répond pas aux attentes en matière de transparence. […] Ces messages entrent dans le cadre de la législation européenne sur l’accès du public aux documents. […], le public peut y avoir accès s’ils concernent le travail de l’institution".

Elle demande au cabinet d’Ursula von der Leyen de mener "une recherche plus approfondie".

L’observatoire européen des lobbies "Corporate Europe Observatory" applaudit cette sortie.

Cette ONG suit de près, depuis 25 ans, les relations entre les représentants politiques européens et les lobbies. Mais en 25 ans, la Commission européenne n’avait " jamais atteint un tel niveau d’opacité que ce qu’on observe en ce moment avec les laboratoires pharmaceutiques ", soutient Hans van Scharen, porte-parole de l’Observatoire des lobbies.

"Cette affaire des SMS n’est qu’un exemple parmi d’autres"

Hans van Scharen insiste d’emblée : bien sûr que ces SMS doivent être considérés comme des documents politiques et bien sûr qu’ils doivent être rendus publics. Et bien d’autres documents aussi, dans ce dossier.

Son ONG a d’ailleurs fait une demande de documents, il y a 16 mois, et elle n’a toujours pas reçu de réponse qui permettre d’y voir clair.

"Depuis septembre 2020, on demande de recevoir un minimum d’information sur les contrats avec les labos, sur la négociation pour les vaccins… Après 8 mois d’attente sans réponse, nous avions déposé plainte auprès de la Médiatrice européenne et nous avions obtenu gain de cause : l’engagement de la Commission européenne de nous partager 365 documents sur tout le processus de conclusion de ces contrats".

Mais l’Observatoire européen des lobbies a, à nouveau, été déçu. "En juin 2021 on nous a donné 60 documents, pas plus, et illisibles. Et on nous a dit que la suite arriverait les semaines ou les mois suivants. Et on n’a plus rien reçu."

Depuis lors, une nouvelle agence européenne, "HERA", a été mise sur pied pour suivre toutes les affaires de santé gérées au niveau européen : mener notamment les nouvelles commandes pharmaceutiques liées au Covid. L’ONG s’inquiète aussi, déjà, de l’attitude de cette nouvelle agence.

"HERA nous a dit que nous ne pouvons demander que 125 documents plutôt que 365, en argumentant que 'tout ce qui vient des grands laboratoires ne peut pas être rendu public'. Nous voyons une régression claire sur l’application des règles de transparence par les Institutions européennes en ce qui concerne les vaccins et les relations avec les labos pharmaceutiques."

Hans van Scharen insiste : "il y a dans ce dossier une opacité extrême, têtue, qu’on n’avait encore jamais vue à ce point-là de la part de la Commission européenne".

"Cette opacité nourrit la méfiance"

Quelles que soient les raisons de cette opacité, économiques, politiques, juridiques ou autre, l’observatoire européen des lobbies CEO estime que ce manque de transparence a un impact délétère sur la démocratie, sur la confiance des citoyens dans leurs responsables politiques.

Outre la publication refusée des SMS, il y avait eu aussi la publication, mémorable, de certains contrats de commandes de vaccins dont les parties intéressantes avaient été noircies, comme les montants et certaines clauses.

Tout cela peut alimenter un sentiment que "quelque chose est caché" du grand public, déplore Hans van Scharen : "c’est très inquiétant. Ce genre de comportement nourrit la méfiance des citoyens, une méfiance qui s’exprime par exemple dans les manifestations en ce moment à Bruxelles. Le manque de transparence qui atteint des sommets dans ce dossier nourrit les théories du complot et la méfiance en général."

L’ONG, toujours en attente de documents éclairants sur les négociations liées aux vaccins, a introduit une seconde plainte auprès de la Médiatrice européenne, qui a ouvert une enquête.

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