Anne-Sophie Novel, qui enseigne aujourd’hui dans plusieurs écoles de journalisme en France, insiste aussi sur la nécessité de "ne pas séparer le climat de l’enjeu de la biodiversité et de l’enjeu de la justice sociale ! Là dans les médias tout le monde parle de climat, mais on oublie trop souvent que le vivant, la protection du vivant est un problème sans doute encore plus important !"
Et il en va de même pour l’enjeu de la justice sociale : "la crise des gilets jaunes, en France, est née d’une mesure (taxe carbone) destinée à faire baisser les émissions de gaz à effet de serre… mais elle n’était pas réfléchie en fonction du quotidien d’un grand nombre de personnes… Cela démontre bien que ces enjeux du social et de l’environnemental ne peuvent être traités à part".
Sobriété, décroissance… "il ne faut pas avoir peur des mots"
Cette "charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique" incite aussi les journalistes à "Enquêter sur les origines des bouleversements en cours. Questionner le modèle de croissance et ses acteurs économiques, financiers et politiques et leur rôle décisif dans la crise écologique ". Le mot "croissance" est lâché ! On sait qu’il suscite énormément de tensions et de polarisation dans le débat public aujourd’hui. Mais pour Anne-Sophie Novel : "poser la question de la croissance, de la sobriété voire de la décroissance, cela ne signifie pas que l’on est un militant ! C’est questionner le monde et la réalité telle qu’elle est aujourd’hui. Les scientifiques du GIEC ne rappellent que ça ! Si on est dans cette situation aujourd’hui c’est à cause de notre modèle économique et de consommation qui épuise la planète. Et donc, se dire qu’il ne faudrait surtout pas questionner la croissance parce que ce serait un vilain mot… c’est absurde. Il ne faut pas avoir peur des mots".
La charte, déjà signée par plus de 1500 journalistes de pratiquement toutes les rédactions françaises, insiste aussi sur la nécessité pour les journalistes d’être pédagogiques et de se former en continu sur les questions climatiques, elle les incite à ne pas traiter l’écologie seulement par des images éculées mais à montrer toutes les conséquences du réchauffement de la planète déjà à l’œuvre… Elle suggère aussi, aux journalistes, d’être transparents sur leur méthode de travail " dans un contexte de méfiance vis-à-vis des médias…. Rendre compte de ses méthodes de travail, rappeler le profil exact des experts invités, vérifier s’ils sont bien dans leur domaine de compétence, faire état de potentiels conflits d’intérêts… Et surtout, insiste Anne-Sophie Novel : " faire preuve d’humilité ! Le public ne s’attend pas à ce que nous soyons parfaits. Mais il faut leur expliquer comment nous travaillons, ce vers quoi nous essayons d’aller, nos limites… etc. "
Dans cet épisode du Tournant vous entendrez aussi Gilles Toussaint, journaliste à La Libre Belgique qui explique à quel point le rôle de " journaliste planète – environnement " a changé en 15 ans et les difficultés, encore aujourd’hui, pour conscientiser, y compris en rédaction, sur l’urgence de prendre cet enjeu à bras-le-corps. Vous entendrez aussi Olivier Sartenaer, professeur en Philosophie des Sciences à l’Unamur, nous définir ce qu’on entend par des " faits scientifiquement établis ". 45 minutes de PODCAST pour questionner notre responsabilité journalistique, dans ce tournant essentiel pour notre société.