Le 12 septembre dernier, Unity Technologies annonçait l’arrivée d’une nouvelle taxe pour son moteur de jeux vidéo. Cette "Runtime Fee" ne se basera plus seulement sur le nombre d’installations d’un jeu, mais également sur les revenus que le jeu génère.
Ce nouveau calcul pose beaucoup de problèmes, notamment dans le cas de jeux "freemium", gratuits qui utilisent principalement les transactions dans le jeu pour dégager un bénéfice. Sans aller dans les détails, car un précédent article le fait déjà, cette nouvelle taxe risque de mettre certains studios purement et simplement sur la paille.
Évidemment, la plupart de ces studios ne souhaitant pas interrompre leur activité, ou simplement ne voulant pas faire faillite, ceux-ci sont partis à la recherche de solutions. Et il n’y en avait pas mille…
Les titres sur lesquels les studios travaillaient actuellement seront donc, pour beaucoup, repoussés afin de laisser le temps aux studios de porter leur jeu sur un nouveau moteur (et tous les délais que cela implique). Pour les jeux déjà publiés, c’est souvent plus compliqué. Certains studios ont déjà avertis les joueurs, à partir du 1er janvier 2024 les jeux qui tournent sur Unity disparaîtront.
Beaucoup de studios quittent déjà le navire
Depuis cette annonce, on ne compte plus les communiqués incendiaires sur Twitter. Certains studios sont en colère, d’autres ont simplement peur pour leur avenir mais aucun n’arrive à justifier la décision d’Unity Technologies.
Sur le blog de Garry Newman, développeur de Garry’s Mod et de Rust (environ 10 millions de joueurs actifs), la démarche d’Unity est comparée à "Adobe qui facturerait les utilisateurs de Photoshop par vue de leur image. Et pas seulement vos dernières images mais toutes celles que vous avez créées depuis 20 ans ! Le tout avec une facturation mensuelle automatique évidemment !"
Il conclura d’ailleurs : "Ne faisons pas la même erreur deux fois, Rust 2 ne sera certainement pas un jeu Unity".
Innersloth, développeur d’Among Us utilise Unity
Dans un message publié sur Twitter, Innersloth le studio derrière le succès Among Us, annonce déjà de gros retards si cette décision devait être maintenue :
"Cela [la nouvelle taxe] ne nous ferait pas du mal qu’à nous, mais également à d’autres studios de jeux vidéo de tous budgets et de toutes tailles. Si cela se confirme, nous devrons retard le contenu et les mises à jour que nos joueurs veulent pour pouvoir porter le jeu sur un autre moteur (comme d’autres studios le considèrent). Mais beaucoup de studios n’auront pas le temps de faire pareil, ou simplement pas les moyens. Arrêtez cela. WTF ?"
Un point de non-retour est atteint
Crema Games, le studio qui a développé TemTem (un genre de Pokémon en MMORPG), prend aussi la parole. Pour eux, les événements sont arrivés à un point de non-retour : ils n’utiliseront plus Unity pour leurs prochains jeux.
Nous utilisons Unity depuis plus de 10 ans, et celui-ci a joué un rôle important dans presque tous nos jeux. Toutefois, la communication récente sur la mise en place d’une "Runtime fee" (littéralement "taxe à la durée") est un point de non-retour pour nous.
Depuis qu’Unity est devenu public et depuis le changement de direction et le nouveau CEO, tout n’a été qu’une descente progressive. Chaque annonce semble pire que la précédente, tandis que le moteur a besoin d’améliorations et d’un gros coup de polissage.
Même s’ils décidaient de faire marche arrière sur cette nouvelle taxe, nous pensons que la confiance est désormais rompue. C’est particulièrement vrai depuis qu’Unity a essayé d’effacer leurs anciennes conditions d’utilisation, qui empêchaient ces changements de s’appliquer rétroactivement.
Plus tôt cette année, nous avons commencé les tests pour l’utilisation d’un nouveau moteur. Nous sommes actuellement décidés à utiliser Unity pour TemTem, nos anciens jeux et tous les projets futurs trop avancés que pour lancer un changement de moteur. Mais ce seront les derniers jeux que nous développerons en utilisant le moteur d’Unity.
Pour le bien des joueurs, des développeurs et de toute l’industrie, nous espérons sincèrement qu’Unity réévaluera sa décision et reconsidérera sa nouvelle taxe. Même si c’est trop tard pour nous.
Un problème aussi pour les jeux du Game Pass
Pour Aggro Crab, l’histoire est la même que pour beaucoup de studios indépendants qui comptaient sur le Game Pass d’Xbox pour populariser leur jeu à sa sortie. Après tout, on laisse plus facilement sa chance à un jeu gratuit ! Mais s’ils doivent payer pour chaque installation, même gratuite, ils devront probablement mettre la clé sous la porte…
Hey les Gamers
Aujourd’hui, Unity (le moteur qu’on utilise pour nos jeux) a annoncé qu’ils prendront bientôt une taxe pour chaque copie du jeu installée au-delà d’un certain seuil, et ce peu importe comment le jeu a été obtenu.
Et devinez qui a un jeu qui arrive sur le Xbox Game Pass en 2024 ? C’est nous, et un tas d’autres développeurs.
Cela signifie que "Another Crab’s Treasure" sera gratuit pour les 25 millions d’utilisateurs du Game Pass. Si une fraction de ces utilisateurs téléchargent notre jeu, Unity pourra nous demander, via leur nouvelle taxe, une somme considérable qui mettre en péril la pérennité de notre business.
Et c’est avant même de penser à vendre notre jeu sur d’autres plateformes, des copies piratées ou bien d’installations multiples par le même utilisateur !!!
Cette décision nous met, nous et de nombreux autres studios, dans une position où nous pouvons plus justifier l’utilisation d’Unity pour nos prochains titres. Si ces changements ne sont pas abandonnés, nous réfléchirons sérieusement à abandonner nos années d’expertise et de connaissances sur Unity pour recommencer de zéro sur un nouveau moteur. Ce que nous préférerions ne pas avoir à faire.
On la part de la communauté de développeurs, nous appelons Unity à faire marche arrière sur une série de décisions à court terme qui semblent prioriser les actionnaires plutôt que les utilisateurs de leurs produits.
Cult of the Lamb : supprimera ou supprimera pas ?
Du côté de Cult of the Lamb, même son de cloche mais avec moins de mots : "Achetez Cult of the Lamb maintenant, parce qu’on va le supprimer le 1er janvier !"
Massive Monster, le studio derrière le jeu a communiqué un peu plus longuement sur ce changement qui, "s’il devait avoir lieu, aura de lourdes conséquences à commencer par des retards considérables puisque l’équipe devra acquérir un tout nouveau set de compétences".
Toutefois, sur Steam les développeurs parlent un peu plus en détail de l’affaire et annoncent que, non ils ne supprimeront pas leur jeu. Ils essayent d’ailleurs d’accélérer leur prochaine mise à jour de contenu afin de pouvoir se concentrer sur les prochains jeux, et donc de nouveaux moteurs.
Des conditions d’utilisations modifiées discrètement
Pour Mega Crit, le studio qui a développé Slay the Spire (un Roguelite en jeu de cartes que je vous conseille vivement et qui n’est pas sur Unity), le problème n’est pas tant la nouvelle taxe que la perte totale de confiance envers Unity Technologies.
Selon un utilisateur de Reddit, après une première controverse en 2019 Unity a décidé de mettre à jour ses conditions d’utilisation pour essayer de regagner la confiance de ses utilisateurs.
D’abord lorsqu’un projet utilise Unity, il n’est lié qu’aux conditions d’utilisation du moteur jusqu’à sa dernière mise à niveau : un jeu clôturé en 2010 ne sera donc pas affecté par les changements de 2023. De plus, pour prouver sa bonne foi, Unity Technologies a créé un référentiel sur lequel toutes les modifications des conditions d’utilisation de leur moteur seraient reprises.
Et bien Unity a simplement supprimé ce référentiel autour du mois de juin de l’année passée. Unity a également effacé dans ses conditions d’utilisation toute trace de la clause "anti-rétroactivité" instaurée après la controverse de 2019 avant de créer cette nouvelle "Runtime fee" qui, elle, sera bel et bien rétroactive.
Vous l’aurez compris, les gens chez Unity Technologies ont l’air de savoir ce qu’ils font, et les studios de jeux vidéo déchantent à chaque nouvelle révélation de coup fourré. Les studios arriveront-ils à faire plier Unity, ou devront-ils partir à la recherche de terres plus accueillantes ? Réponse au plus tard le 1er janvier 2024 ! En attendant, si vous souhaitez suivre la liste des studios qui dénoncent les actions d’Unity, un compte Twitter reprend méticuleusement chaque annonce.