Chroniques

Une vague #MeToo déferle sur le monde académique flamand

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Par Joyce Azar

Après avoir touché les secteurs artistique et médiatique, une nouvelle vague #MeToo déferle depuis quelques semaines sur le nord du pays. Elle concerne cette fois le monde académique.

La Flandre a connu l’affaire Bart De Pauw, ce producteur télé qui a récemment été reconnu coupable de harcèlement envers plusieurs femmes. Il y a également eu l’affaire Jan Fabre, accusé de harcèlement sexuel et d’atteinte à la pudeur par plusieurs danseuses de sa compagnie. Le procès de l’artiste se tient d’ailleurs dans un peu plus d’un mois.

Et en attendant, les médias flamands ont hélas encore et toujours de quoi se mettre sous la dent, puisque depuis le début de l’année, les plaintes pour comportements transgressifs se sont enchaînées dans l’enseignement supérieur.

Fin janvier, la VUB a licencié un prof d’archéologie qui avait fait des avances inappropriées à certaines de ses étudiantes, en menaçant leur carrière si elles n’y répondaient pas favorablement.

Début février, c’était au tour de l’Université de Gand de subir des pressions après les révélations d’une étudiante au sujet d’un assistant qui lui aurait proposé des questions d’examen en échange d’un paiement en nature. L’étudiante avait déposé plainte il y a près de deux ans, mais aucune sanction n’a jusqu’ici suivi.

La semaine dernière, un prof de la KU Leuven était à son tour incriminé pour comportements transgressifs, des comportements qui auraient mené plusieurs de ses étudiantes à renoncer à leur doctorat.

Récemment, un enseignant de la LUCA school of Arts à Bruxelles a été suspendu de ses fonctions pour attouchements et intimidations sexuelles. Et enfin, lundi, c’est un prof de musique du Conservatoire royal d’Anvers qui a été licencié pour attouchements et envoi de textos inappropriés.

Effet domino

La liste de cas recensés ces dernières semaines est assez impressionnante… On peut se demander pourquoi toutes ces révélations s’enchaînent soudainement, d’autant que dans le milieu académique, les abus de pouvoir ou les comportements transgressifs ne datent certainement pas d’hier. Mais les affaires, très médiatisées, de Bart De Pauw et de Jan Fabre, semblent avoir aidé à délier les langues. Plus récemment, le scandale qui a frappé l’émission " The Voice of Holland " aurait également eu des répercussions en Flandre.

Les réseaux sociaux jouent, eux aussi, un rôle important. Selon la prof de Sciences sociales à l’Université de Hasselt, Patrizia Zanoni, on vit actuellement un moment de basculement, déclenché par les témoignages des victimes. Ces témoignages sont facilités par les réseaux sociaux, ils encouragent les autres victimes à s’exprimer à leur tour, ce qui engendre au final un effet domino.

D’après la médiatrice flamande de l’égalité des genres, Annelies D’Espallier, on est passé d’une culture du silence à une culture de la parole. La force du nombre joue donc désormais en la faveur d’un changement des normes.

Des améliorations promises

Dans la pratique, ce changement semblerait toutefois prendre un certain temps à se concrétiser. C’est en tout cas ce qu’on a pu constater au sein des universités flamandes qui, depuis les récentes révélations, ont promis d’améliorer la procédure de suivi des signalements d’abus.

La VUB envisage aussi d’offrir des formations et d’assurer une communication proactive avec les victimes. A Gand, des personnes externes vont désormais intégrer la commission disciplinaire pour assurer plus d’objectivité lors des décisions.

Mais pour le psychiatre de renom, Peter Adriaenssens, il faudrait aller plus loin en mettant en place un point de contact indépendant pour traiter toutes les plaintes pour abus qui concernent l’enseignement supérieur flamand. Les esprits s’agitent donc pour tenter de trouver des solutions.

Quid des politiques ?

Ces solutions pourraient aussi provenir du monde politique, mais jusqu’ici, la nouvelle vague #MeToo n’a suscité que peu de réactions. Le ministre flamand de l’Enseignement, Ben Weyts, a notamment fait savoir qu’il avait déjà demandé l’an dernier aux universités flamandes d’évaluer leur politique en matière de lutte contre les comportements transgressifs. Un rapport est attendu dans quelques mois.

Le ministre des Affaires intérieures, Bart Somers, a pour sa part rappelé qu’il existe déjà un organe flamand chargé de recueillir les plaintes pour intimidations sexuelles, mais que trop peu de monde le sait. Somers envisage dès lors de fusionner ce service au nouvel Institut flamand des droits humains qui doit voir le jour en 2023. Mais d’ici là, il reste donc pas mal de pain sur la planche, et ce, à tous les niveaux.

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