Belgique

Une sur 4 à Bruxelles, moins d'une sur 5 en Wallonie : pourquoi y a-t-il si peu de femmes bourgmestres ?

Ce mardi matin se déroulait la prestation de serment de trois nouveaux bourgmestres en Région bruxelloise. Devant le ministre des Pouvoirs locaux Bernard Clerfayt, Mariam El Hamidine (Forest, Ecolo), Claire Vandevivere (Jette, Les Engagés), et Jean-Pierre Van Laethem (Ganshoren, Les Engagés) ont juré "fidélité au Roi, obéissance à la Constitution et aux lois du peuple belge". Alors qu’il n’y avait qu’une femme bourgmestre au début de la législature en 2018, ces deux nouveaux visages féminins amènent le nombre total à 5 femmes sur 19 bourgmestres dans la capitale, soit 26% du total.

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Si seul un quart des bourgmestres sont des femmes dans la Région bruxelloise, cette proportion est encore moins élevée dans les autres parties du pays. En Wallonie, seules 18% des écharpes maïorales sont portées par des femmes et le chiffre descend même à 15% en Flandre, soit à peine 1 sur 7. Le niveau politique communal est donc particulièrement mauvais élève en matière d’égalité des genres.

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La pyramide communale, difficile à gravir

Le poste de bourgmestre est accessible aux femmes depuis 1921, comme les autres mandats communaux. En 1922, 5 femmes sont ainsi arrivées à la tête de leurs communes à l’issue des élections locales. Depuis, la fusion a eu lieu dans les années 1970 et a divisé par 5 le nombre de communes en Belgique, rendant plus difficile l’accès à ce poste pour les femmes. Pour Emilie Van Haute, politologue et présidente du département de science politique de l’ULB, le nombre réduit de bourgmestres est une des raisons de cette difficulté à accéder au titre.

"Plus un poste est rare, plus il est convoité et plus les inégalités en termes de représentation se marquent."

Peu de femmes atteignent donc le poste de bourgmestre, alors qu’elles sont pourtant nombreuses dans la politique communale dans son ensemble. "Il y a un phénomène de pyramide entre les conseillers communaux, les échevins et les bourgmestres, où les inégalités sont les plus marquées." En Wallonie, les conseils communaux sont féminins à 38% et à Bruxelles, la parité est déjà atteinte avec autant de conseillères que de conseillers.

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Des mandats très longs qui freinent l’émergence de profils féminins

Un autre facteur important qui empêche les femmes d’accéder à ces mandats est leur durée. Traditionnellement, les bourgmestres peuvent garder leur siège pendant plusieurs législatures, chacune longue de 6 ans, et rester ainsi à leur place des dizaines d’années. Parmi les exemples extrêmes, citons Andenne, où l’écharpe maïorale est portée depuis plus de 50 ans par le socialiste Claude Eerdekens. Cette longévité politique exceptionnelle freine également l’émergence de profils féminins.

Les femmes ont tendance à avoir une longévité moins forte, à la fois sur les listes mais aussi en termes de mandats électoraux. Or on sait que souvent, le poste de bourgmestre vient couronner une longévité de mandat.

La vie de bourgmestre, très prenante, constitue souvent une carrière à part entière. La vie politique habituellement moins longue des femmes peut aussi être attribuée au fait que les fonctions familiales reposent encore fréquemment sur leurs épaules.

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La politique communale est aussi marquée par la proximité entre élus et électeurs. Présents sur les marchés, aux fêtes de village ou encore simplement dans les rues de leurs communes, les bourgmestres sont souvent bien connus et en contact fréquent avec la population. Les femmes souffrent là aussi d’un manque de notoriété, surtout quand les maïeurs ont créé un lien fort avec leur électorat au terme de dizaines d’années de mandats.

La responsabilité des partis

Afin de garantir une place à leurs candidats, les partis politiques placent encore très fréquemment un homme à la tête des listes présentées aux élections. Si le principe de tirette (alternance femme homme dans les listes) est maintenant généralisé, rien n’oblige les partis à placer des profils féminins en haut des listes. Étant donné la notoriété plus importante des hommes politiques au niveau communal, les partis peuvent être tentés de les favoriser dans l’ordre des listes afin de récolter le plus de voix de préférence, ce qui les propulse plus systématiquement à la tête des communes.

Mais les différences sont également marquées entre les formations politiques. "Il y a des partis qui en interne favorisent les équilibres et qui favorisent notamment des choix en termes de composition des collèges qui soient équilibrés. La composition des majorités peut favoriser plus ou moins l’avènement d’un personnel politique plus diversifié."

Le jeu n’est en revanche pas égal selon les partis. Si le MR compte par exemple 25 femmes bourgmestres en Wallonie, le Parti Socialiste n’en compte que 10, un nombre faible qui peut également être attribué au statut socio-économique de ces communes où un profil féminin peut avoir plus de difficultés à émerger. Chez les écologistes, champions en la matière, ce sont 70% des élus qui sont des femmes. D’autre part, la plupart des formations politiques ont instauré la parité dans leurs statuts.

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Au final, c’est l’électeur qui décide

Les partis et les processus de désignation des bourgmestres jouent donc un rôle important dans l’égalité des genres en politique. Mais ce sont les mentalités des citoyens et leurs choix électoraux qui restent l’élément décisif, toujours selon la politologue Emilie Van Haute.

"Le rôle premier, c’est celui des électeurs dans l’isoloir de pouvoir donner une place et un siège à un personnel politique diversifié. C’est ça la première étape pour avoir des conseils plus diversifiés, des collèges, et puis éventuellement des maïorats."

Alors que l'échelon politique communal est le premier auquel les femmes ont eu accès en tant qu'électrices et que mandataires, il reste celui où elles sont le plus minoritaires, là où les gouvernements et parlements des autres niveaux de pouvoirs se rapprochent de la parité. 100 ans après la nomination des premières femmes bourgmestres en Belgique, le plafond de verre reste difficile à franchir.

 

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