La Covid-19
L’intelligence artificielle est déjà présente en médecine. Son utilisation a d’ailleurs été renforcée tout au long de la crise sanitaire que nous connaissons. Pour bien comprendre, le Docteur Giovanni Briganti, qui dirige le groupe Santé au sein de l’AI 4 Belgium, mais qui est aussi médecin en psychiatrie au CHU Brugmann, professeur à l’Université libre de Bruxelles et à l’Université de Mons, tient à clarifier les deux utilisations qui sont faites actuellement en médecine avec l’aide de l’IA.
Il y a la partie clinique qui aide le médecin à prendre en charge le patient et puis une autre qui soutient le processus hospitalier en apportant son aide, par exemple, au niveau administratif.
Pour la partie clinique, de nombreuses recherches sont effectuées pour développer des modèles de prédiction ou de prévention dans le cas de maladies ou de symptômes. Cela permet au médecin d’entrer des données dans le dossier médical du patient et d’obtenir un diagnostic donné. Dans le cas du traitement de la maladie Covid-19, près de 37.000 modèles ont été développés en 2020 pour diagnostiquer le Covid-19 sur base notamment des symptômes, d’images radiologiques, etc. Notons que des hôpitaux en Chine ou aux Etats-Unis utilisent l’IA pour diagnostiquer le Covid-19 sur base d’un scanner.
L’aspect clinique
On le voit, une des utilisations de l’IA est de permettre la prévention, de prédire et de diagnostiquer les maladies sur base d’un dossier médical. Cela permet, par exemple, d’analyser des images radiologiques ou sur base de paramètres du patient de détecter un problème.
Ce dernier point a d’ailleurs été utilisé en Belgique pendant le Covid-19 pour surveiller à distance des patients à domicile. Les possibilités qu’offre le contrôle des paramètres à distance devraient encore se développer à l’avenir pour, par exemple, suivre des patients diabétiques, épileptiques ou avec de l’hypertension, etc.
Le soutien
Mais la révolution de l’IA en médecine n’aura pas qu’un volet clinique, elle pourrait aussi assurer un soutien lors des consultations. Pour bien comprendre ce processus, le Docteur Giovanni Briganti illustre ce qu’il se passe dans un service d’urgences. Le médecin est bien souvent pressé. Après une consultation, dit-il, il aura encore à remplir le dossier médical du patient. Cette tâche représente aujourd’hui 80 à 85% de son temps. L’IA pourrait ici remplir un rôle important en assistant le médecin pendant la consultation. Comment ? En retrouvant tout d’abord les données médicales du patient. Ensuite : "on pourrait évoluer vers une intelligence clinique ambiante, qui est une forme d’IA, qui permet de reconnaître la voix du médecin et du patient qui se trouvent dans une chambre d’examen. Le médecin donne des ordres à la machine pour qu’elle puisse remplir le dossier médical du patient. Tout se fait en live".
Ce type d’application existe déjà aux Etats-Unis. "En Europe nous n’avons pas encore les moyens de nous payer ça". Le système consiste à placer une caméra dans la pièce où a lieu l’examen. Lorsque le patient interroge le patient, la machine distingue les deux voix et elle encode la séquence. L’IA peut également assister le médecin dans son diagnostic.
Des choix vont devoir se faire
Le Docteur Briganti précise qu’il y a encore des points à régler avant de voir l’IA se développer plus largement en Belgique. Pour l’instant la question éthique n’est pas encore réglée. Des réflexions sont en cours, nous dit-il, avec l’ordre des Médecins. Par ailleurs, au niveau des moyens : "il y a actuellement un manque de ressources qui sont octroyées aux hôpitaux pour développer l’intelligence artificielle". L’homme plaide aussi pour une formation adaptée des médecins à l’informatique médicale qui inclurait l’IA.
La Santé semble donc un domaine qui intéresse fortement les acteurs de l’intelligence artificielle. Pour le Docteur Giovanni Briganti : "c’est le plus passionnant et on a du concret".
Mais comment tout cela va évoluer ? L’expert ne sait pas si cela restera dans les mains de l’État et donc accessible à tous ou si les géants technologiques vont développer des soins de santé privés en Europe avec finalement un système à deux vitesses. Il remarque que la pandémie de coronavirus aux États-Unis a montré l’intérêt des géants technologiques, de l’assurance hospitalière et des hôpitaux qui proposent déjà des services de soins indépendants aux patients, le tout à distance. "Tout ça pour chercher le nombre et pour aller chercher le patient et l’intégrer dans un environnement client". Le médecin en psychiatrie rappelle qu’aussi bien Google, Apple, Amazon (avec son service de pharmacie en ligne : ndlr) ont un agenda en matière de santé. "A un certain moment, je pense que la population chez nous va demander que cela arrive aussi chez nous. Des choix vont devoir se faire".
Tous ces changements posent énormément de questions éthiques, philosophiques, de vie privée et de protection des données, etc. Des experts y travaillent afin d’aider nos décideurs à prendre les bonnes décisions en la matière. Nous aborderons ces questions dans l’interview de Nathalie Smuha, chercheuse à la KU Leuven en matière de droit et éthique de la technologie, à découvrir ce mardi dans la suite de nos articles consacrés à cette semaine de l’intelligence artificielle en Belgique.