Chroniques

Une semaine au volant de la voiture de l’année 2022

Un look moderne avec un soupçon d'agressivité : la Kia EV6 se démarque et se remarque

© Jean-Christophe Willems

Par Jean-Christophe Willems

Dès qu’elle a été présentée, elle m’a tout de suite tapé dans l’œil. Un mélange de berline sportive et de SUV à la ligne travaillée, avec une proue agressive et une poupe toute en arrêtes originales. La Kia EV6 est d’ailleurs le premier véhicule coréen à recevoir le trophée européen de voiture de l’année.

Autant écrire que cet essai aurait pu être biaisé sans la dose d’objectivité journalistique qui me caractérise bien évidemment…

Des watts en suffisance

Des watts pour la puissance du moteur, des wattheures pour la capacité de la batterie. La Kia ne manque ni de l’un, ni de l’autre. Surtout quand notre modèle d’essai dispose de la batterie de 77,4 Kwh et des quatre roues motrices impliquant une puissance accrue (325 ch contre 229 pour la version de base et même… 535 pour la GT).

Dans les chiffres, cela donne 506 km d’autonomie et un zéro à 100 km/h en 5,2 secondes. Rien que des valeurs excellentes. Sauf que dans la vraie vie, si les accélérations en mode sport vous collent aux sièges, l’autonomie réelle est bien éloignée des valeurs annoncées. D’ailleurs, l’ordinateur de bord n’a jamais affiché plus de 400 km de trajet potentiel une fois les batteries pleines.

Mais c’est suffisamment rare pour être souligné : la précision est redoutable et les trajets effectués (avec une grande proportion d’autoroutes) corroboraient précisément les estimations de l’ordinateur. En mode éco et sur chaussées secondaires, on dépasse facilement les 400 km d’autonomie. Réduisez d’un quart avec le pied lourd en "sport"…

À noter que logiquement, la version deux roues motrices, plus légère et moins énergivore, élargit son rayon d’action d’une vingtaine de km.

Une recharge ultrarapide

Aucune crainte donc d'être à court de puissance ou de rechigner à se lancer dans un trajet relativement long d’autant qu’en cas de manque de jus (dans la batterie, pas dans le moteur), l’EV6 dégaine sa botte secrète : une capacité de charge ultrarapide sur bornes adaptées. Avec une puissance admissible de 239 kW, il ne faut que 18 minutes pour passer de 10 à 80% de charge, ou encore moins de 4 minutes pour regagner 100 km d’autonomie.

Mais pour cela, il faut une borne de recharge en courant continu, comme celles qui sont disposées le long des grands axes autoroutiers. Malheureusement, faute de temps, on n’a pas eu l’occasion de vérifier les promesses.

Un arrière un peu torturé qui a le mérite de l'originalité.
Un arrière un peu torturé qui a le mérite de l'originalité. © Jean-Christophe Willems

Des aides à foison (un peu trop d’ailleurs)

Comme pour les voitures japonaises, les coréennes sont livrées chez nous en différents niveaux de finition que l’on peut améliorer par quelques packs mais qui ne permettent pas une personnalisation à la carte de chaque option. On ne va pas dresser la liste de l’équipement de base, déjà longue comme un jour sans pain, mais sachez qu’il ne manque pas grand-chose.

Notre version était bien entendu suréquipée avec tous les packs, la pompe à chaleur (à 1.200 euros tout de même), les jolies jantes de 20" et le toit ouvrant.

L’écran central et le tableau de bord forment un long ensemble à la manière de ce que propose Mercedes. S’il ne manque rien, des sièges ventilés à l’affichage tête haute en passant par la caméra 360°, il faut bien reconnaître que l’ergonomie n’est pas la plus évidente rencontrée dans une voiture. On doit parfois un peu chipoter sur l’écran tactile pour trouver la fonction adéquate mais il reste heureusement quelques touches plus intuitives comme celles permettant le réglage du chauffage.

Une planche de bord ultramoderne, quoi qu'un rien compliquée à appréhender.
Une planche de bord ultramoderne, quoi qu'un rien compliquée à appréhender. © Jean-Christophe Willems

Quant aux aides à la conduite, elles se montrent vraiment intrusives. Sans avoir eu le temps de lire tout le mode d’emploi téléchargeable via QR code, j’avoue ne pas savoir si l’aide au maintien de voie peut être complètement déconnecté. Même en retirant cette fonction avec le bouton idoine au volant, la voiture continue de corriger la trajectoire, doucement mais de manière perceptible. Par contre, si ce correcteur reste actif (témoin de volant vert allumé), les corrections de direction sont permanentes et insupportables une fois le régulateur de vitesse adaptatif enclenché. Parfois le mieux est l’ennemi du bien.

Sans être aussi perturbantes, d’autres aides ne semblent pas vraiment indispensables non plus. C’est le cas des petites images circulaires sur le tableau de bord renvoyant aux caméras latérales arrières lorsqu’on enclenche les clignotants. Sur chaussée mouillée, on ne voit strictement rien alors que notre œil est systématiquement attiré par les images. La KIA étant équipée de détecteurs d'angles morts traditionnels, cela fait un peu doublon.

Clignotant enclenché, une image apparait. Eventuellement utile, sauf quand la route est mouillée.
Clignotant enclenché, une image apparait. Eventuellement utile, sauf quand la route est mouillée. © Jean-Christophe Willems

Un titre mérité ?

L'EV6 a un look et des performances de sportive, mais comme souvent avec les voitures électriques, elle est lourde. Pourtant, le comportement est assez incisif. La voiture vire à plat et les suspensions sont fermes sans verser dans la caricature. Mais n'espérez pas suivre une vraie GTI thermique dans les petites routes sinueuses, ce n'est tout de même pas son truc.

Par contre, pas de problème pour déposer cette même GTI lors d'une accélération temporaire, avec l'avantage de proposer plus de place à tous vos occupants. Même si on pouvait espérer mieux en découvrant le gabarit de l'engin, quatre adultes seront correctement installés à bord, à condition qu'ils voyagent léger. Car le coffre ressemble plus à celui d'une compacte qu'à celui d'une familiale, d'autant que son seuil est haut perché, à l'instar de son plancher. C'est que dessous, il y a quelques centaines de kg de batteries que la technologie ne permet pas encore de miniaturiser.

Assez profond, le coffre est haut perché et manque un peu de volume sous tablette.
Assez profond, le coffre est haut perché et manque un peu de volume sous tablette. © Jean-Christophe Willems

De manière générale, cette voiture cumule bon nombre de qualités, en se démarquant visuellement du reste de la production. Son style peut être clivant mais les réactions à son passage étaient très majoritairement positives. Look original, plaisir de conduite, performances emballantes, technologies à la pointe, autonomie suffisante et recharges rapides font de cette électrique une alternative crédible aux Tesla et autres premiums allemands.

Malheureusement, cela se paie : notre modèle d'essai frisait les 63 500 euros ! Ce n'est clairement pas à la portée de toutes les bourses et certainement pas de la mienne. On pourrait retirer quelques options comme les roues de 20 pouces pas vraiment indispensables et impliquant un budget pneus plus élevé. La sono Meridian au son perfectible fait partie du pack Premium comprenant aussi l'affichage tête haute : on grapillerait éventuellement 1.600 € en s'en privant. Ou alors se rabattre sur la version d'entrée de gamme à près de 48 000 euros (voire 44 000 avec la petite batterie de 58 kWh), ce qui reste onéreux dans l'absolu.

Vous direz qu'il devient difficile de nos jours de trouver une voiture à prix abordable, d'autant plus quand elle est électrique, et vous aurez mille fois raison. Quant à la consommation, elle était légèrement supérieure à 19 kWh/100 km sur les 700 km de l'essai dans des conditions variées, mais avec deux tiers d'autoroutes.

On pourra se consoler en épatant le voisinage car comme sa cousine Hyundai Ioniq 5, la Kia EV6 est équipée du système V2L (Vehicle to Load), qui permet d'alimenter un appareil électrique en 230V, comme un aspirateur ou un barbecue électrique. Cela ne servira sans doute pas très souvent, mais c'est un premier pas en attendant le V2G (Vehicle to Grid), c'est à dire la possibilité pour la voiture d'alimenter le réseau électrique domestique de son habitation.

Alors, pour en revenir au début de la chronique, ai-je été objectif ? En tout cas, j'ai noté quelques défauts, pas vraiment rédhibitoires si on a de quoi payer le chèque. Le cocktail de technologies, de caractère visuel affirmé et de positionnement original ont en tout cas convaincu le jury européen de la voiture de l'année.

Il s'en est pourtant fallu de peu car l'EV6 a récolté moins de premières places que ses dauphines Renault Megane E-TECH et Hyundai Ioniq 5, mais a été plus constante dans les places d'honneur attribuées par les 59 journalistes. La KIA n'est pas parfaite, elle est homogène à défaut d'être révolutionnaire et c'est déjà très bien.

Coup de chapeau donc aux Coréens qui prouvent un an après la Yaris japonaise que l'Asie peut concevoir des voitures qui tiennent la dragée haute aux réalisations européennes, à condition ici d'y mettre le prix.

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