La réforme décriminalise également la prostitution. La nouvelle loi encadre sa publicité, interdite à quelques exceptions près. "Sur le plan du travail sexuel, il s’agit d’une réforme historique", a commenté le ministre Van Quickenborne. "Elle veille à ce que les travailleuses du sexe ne soient plus stigmatisées, exploitées et rendues dépendantes des autres. La Belgique est le premier pays en Europe à dépénaliser le travail sexuel." Une phrase qui a depuis beaucoup circulé, notamment sur les réseaux sociaux.
"Je ne suis pas d’accord avec cette affirmation", réagit pourtant Mireia Crespo, directrice d’isala, une association féministe de terrain qui soutient les personnes prostituées. "La prostitution était déjà légale en Belgique. On peut exercer cette activité librement. La seule chose qui n’est pas autorisée, c’est le proxénétisme, c’est-à-dire exploiter la prostitution d’une autre personne."
En effet, en Belgique, pour autant que cela se déroule entre personnes majeures et consentantes, le fait de se livrer à des activités de prostitution ne constituait pas en tant que telle une infraction. Selon le site strada lex, c’est le fait d’engager quelqu’un dans les liens d’un contrat de travail en vue de fournir une prestation sexuelle qui était interdit – car assimilé à du proxénétisme -, mais la loi du 21 février 2022 (qui n’a rien à voir avec la réforme du code pénal) était déjà venue régler cette question des contrats de travail.
"On estime donc que cette loi ouvre plutôt la porte à la dépénalisation du proxénétisme, et non de la prostitution qui n’était pas interdite", explique-t-elle. La réforme prévoit que le proxénétisme soit puni d’un emprisonnement d’un an à cinq ans et d’une amende de 500 à 25.000 euros.
Sandrine Cnapelinckx, directrice de la fondation Samilia qui lutte contre la traite des êtres humains, observe : "Suite à notre audition et notre interpellation, le parlement a modifié le texte déposé par le gouvernement : le proxénétisme reste bien passible de poursuites pénales aux termes de la réforme, sous réserve de dérogations où il serait autorisé et qui devraient faire l’objet d’une éventuelle future loi ‘spécifique’. Une telle loi devrait, en tout état de cause, suivant la justification de l’amendement déposé par le MR, faire l’objet d’une concertation préalable entre les représentant·es des associations de défense des victimes de la traite des êtres humains et le secteur des TDS."
"La notion de profit ‘anormal’ est toujours présente dans la définition du proxénétisme – ce qui n’est pas défini, c’est laissé à l’appréciation du juge. Qu’est-ce que cela signifie ? Nous avions critiqué cette notion lors de notre audition en commission justice, mais elle est restée dans la loi, pourquoi ?", questionne Mireia Crespo.