Le sacrifice des animaux pour faire la cuisine ne pose pas de problème à Emanuele Coccia. Parce que si on ne sacrifie pas des animaux, on sacrifie des plantes. Et les plantes sont aussi des êtres auto-conscients et communiquent entre elles.
"C’est assez hypocrite de réintroduire la même hiérarchie qu’on avait posée entre l’humain et le non-humain, entre l’animal et le reste des êtres vivants. Cela ressemble juste à une petite extension du narcissisme anthropologique à l’échelle du règne animal. D’un autre côté, la science a démontré qu’il y a de la sensibilité, de la pensée, de l’auto-conscience chez les plantes."
Et surtout, poursuit le philosophe, c’est compliqué de condamner moralement le fait de manger des animaux, car normalement, cette posture est liée à la volonté de retrouver une sorte de parité, d’égalité entre l’humain et les autres animaux. Mais que faire des animaux qui se nourrissent d’autres animaux ? On devrait les condamner moralement ? La question n’est pas là. La question est de retrouver un autre rapport à la nourriture. D’accepter, par exemple, que se nourrir signifie chaque fois, pour n’importe quel animal, faire revivre différemment une vie qui a vécu sous une autre forme avant nous, faire réincarner dans notre corps une vie différente de la nôtre.
Il faut commencer à envisager un autre rapport à la nourriture. Savoir que manger signifie toujours vivre une vie qui s’est offerte à nous et savoir aussi qu’on sera tôt ou tard nous aussi le repas d’autres animaux. On sera mangé. Tous les animaux sont destinés à être mangés les uns par les autres. C’est le destin de la vie et c’est assez hypocrite de penser pouvoir y échapper."
Emanuele Coccia propose de remercier chaque animal qui nous a permis de prolonger notre existence et peut-être d’inventer des rituels qui permettent de sanctifier cette gratitude.