Le soleil se couche sur l'hôpital de Jolimont. La ville de La Louvière s'endort peu à peu.
Au cœur de l'hôpital, les couloirs de l'accueil sont déserts et obscurs. Mais au bout de l'allée, il est une unité où les lumières ne s'éteignent jamais.
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Le soleil se couche sur l'hôpital de Jolimont. La ville de La Louvière s'endort peu à peu.
Au cœur de l'hôpital, les couloirs de l'accueil sont déserts et obscurs. Mais au bout de l'allée, il est une unité où les lumières ne s'éteignent jamais.
Derrière la porte des soins intensifs, l'agitation ambiante tranche avec le calme qui régnait ailleurs.
Un brancard arrive, tout droit venu des urgences. "Son taux d'oxygène est extrêmement faible. Son scanner est déjà très atteint. C'est un patient qui pourrait être intubé si son état ne s'améliore pas" lance le Dr Pierre Henin, chef du service.
Derrière les bâches, une armée de soignants en combinaison intégrale s'activent autour du patient.
Dans le même temps, une autre équipe s'apprête à quitter l'hôpital avec de l'artillerie lourde.
Objectif : transférer une patiente d'un autre hôpital, car sur place, les techniques disponibles ne suffisent plus pour la sauver. "On risquait de la perdre dans les heures à venir. Ici, on a un matériel qui permet de lui placer une circulation extracorporelle qui met les poumons au repos".
Avec cette nouvelle admission, il ne reste désormais plus qu'un seul lit disponible dans le service. Or la nuit ne fait que commencer. "Nous sommes au-delà de ce qui, habituellement, est considéré comme la saturation d'un service de soins intensifs. Nous sommes même en train de saturer des structures en dehors de nos services" ajoute le Dr Henin.
Etant donné que tous les lits sont consacrés aux patients atteints du coronavirus, une unité de cardiologie a été transformée en soins intensifs de fortune pour les patients non-covid.
Durant toute la soirée, le Dr Henin déambule sans arrêt dans les couloirs, aux différents étages, pour surveiller l'état de ses patients. En temps normal, quatre d'entre eux seraient descendus aux soins intensifs. Mais faute de place, il faut les garder en hospitalisation classique tant que faire se peut. "Les critères d'admission aux soins intensifs deviennent plus restrictifs".
On doit laisser nos collègues de l'étage gérer plus longtemps des patients qu'en temps normal, nous aurions déjà pris chez nous en soins intensifs
Heureusement, certains entrevoient le bout du tunnel.
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Les infirmier.e.s enchaînent douze heures de garde, plusieurs jours d'affilée. Les médecins se relaient dans des gardes de vingt-quatre heures. Lors de ces gardes, très peu de temps pour souffler. "Par nature, aux soins intensifs, on gère l'imprévu. On peut avoir des nuits très calmes et des nuits très agitées. La particularité ici, c'est que toutes les nuits sont comme ça".
Vu le manque d'effectifs et la charge de travail, l'équipe des soins intensifs est renforcée par des infirmier.e.s d'autres services. Ils doivent s'habituer à un travail complètement différent du leur.
Même pour les habitués, la charge mentale devient difficile à porter et supporter. Laetitia Degl'innocenti travaille depuis plus de vingt ans dans le service. Mais psychologiquement, le poids de cette deuxième vague est très lourd.
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Ce qui est sans doute le plus compliqué à gérer pour les soignants, c'est l'absence des familles. L'accompagnement pour la fin de vie doit se faire en majeure partie à distance.
"La grande différence par rapport à nos habitudes, c'est qu'on doit renoncer à toute la sphère non-verbale. On a des patients en pleurs au téléphone qu'on ne voit pas, qu'on ne peut pas réconforter par un geste, un regard, par cette sphère non-verbale" explique Audrey Lachaux, psychologue responsable des soins intensifs dans les hôpitaux du groupe Jolimont.
Les soignants sont habitués à faire face aux décès, mais pas de manière si répétitive
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"Parfois, quand on a eu des pics de décès ces dernières semaines, la morgue était saturée. Il fallait appeler les pompes funèbres pour qu'elles viennent plus vite que d'habitude. Ce sont des choses que je n'avais jamais vécues" explique le Dr Pierre Henin, qui a pourtant trente ans de carrière derrière lui.
Pour les soignants, c'est comme si la nuit n'en finissait plus. Comme si le bout du tunnel ne se laissait toujours pas entrevoir. Comme si le jour se délectait de se faire attendre.
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