Monde

Une nouvelle enquête identifie celui qui aurait trahi Anne Frank et sa famille

Par Lisa Rouby

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et avec le succès du journal d’Anne Frank, une question reste sur toutes les lèvres : qui a dénoncé sa famille et conduit à leur déportation ? Dans un reportage diffusé ce dimanche sur la chaîne Américaine CBS, un ex-agent du FBI explique comment, après six ans d’enquête, il pense avoir identifié celui qui a dénoncé la famille d’Anne Frank aux Nazis.

En quoi cette enquête se démarque-t-elle des précédentes ?

Alors qu’il profite tranquillement de sa retraite, Vincent Pankoke, ex-agent du FBI, est contacté en 2016 par le réalisateur néerlandais Thijs Buyens pour participer à une nouvelle enquête visant à percer le mystère entourant la dénonciation d’Anne Frank et de sa famille. Immédiatement, il est intrigué. "J’avais besoin d’en savoir plus", déclare-t-il.

Si ce n’est pas la première fois qu’on tente de mettre la main sur le coupable, cette nouvelle enquête brille toutefois par sa modernité et ses moyens. Une équipe composée d’un psychologue judiciaire, d’archivistes, d'historiens, ou encore de criminologues est constituée, combinée à l'intelligence artificielle et à des techniques modernes de résolution de crimes.

Vince Pankoke, ex-agent du FBI dans la maison d’Anne Frank, à Amsterdam.
Vince Pankoke, ex-agent du FBI dans la maison d’Anne Frank, à Amsterdam. © CBS

Un nouveau coupable désigné

Au fil de leurs recherches et parmi les dizaines de suspects, un nom émerge : celui d’Arnold van den Bergh, un notaire juif renommé vivant à l’époque à Amsterdam avec sa femme et ses enfants. Après l’invasion du pays par les Allemands en 1940, il devient membre d’une organisation montée par les Nazis regroupant des personnalités juives. En échange de leur collaboration, et notamment de la dénonciation d’autres Juifs, ces membres et leurs familles sont épargnés.


►►► À lire aussi : La première édition du journal d’Anne Frank vendue aux enchères pour 10.000 euros.


Pankoke réalise que le nom d’Arnold van den Bergh apparaît dans une enquête remontant à 1963. Plus intrigant encore, Otto Frank, le père d’Anne, reçoit après la guerre une note anonyme identifiant celui qui l’a trahi comme Arnold van den Bergh. Cette nouvelle révélation laisse donc entendre que celui-ci, malgré sa connaissance du coupable, a choisi de rester silencieux.

Toute l’équipe se demande encore aujourd’hui pourquoi Otto Frank, s’il était au courant, n’a rien dit. Thijs Buyens, initiateur de l’enquête, s’est souvent demandé si cette information allait faire l’objet de spéculations antisémites.

Réplique du journal d’Anne Frank exposée à Buenos Aires, en Argentine, 2009.
Réplique du journal d’Anne Frank exposée à Buenos Aires, en Argentine, 2009. © Belga

Un sujet sensible

Peut-on réellement se fier aux conclusions de cette enquête ? La théorie d’Arnold van den Bergh paraît plutôt soutenue par la Fondation Anne-Frank. Ce n’est en tout cas pas la première fois qu’une personne est pointée du doigt pour sa responsabilité dans ce qui est arrivé aux Frank.

Récemment, un livre accusait Ans Van Dijk, une Néerlandaise juive ayant collaboré avec les Allemands, d’avoir dénoncé la famille. Seule femme néerlandaise exécutée pour ses activités pendant la guerre, elle a livré des dizaines de Juifs aux Nazis, y compris des membres de sa propre famille, en prétendant vouloir les aider. Autre théorie, celle de Nelly Voskuijl, sœur de Bep Voskuijl qui a aidé à cacher la famille pendant plusieurs années. Décrite comme antisémite et égoïste, Nelly a été accusée par son propre neveu.

Anne Frank
Anne Frank © Belga et Anita Maric

Chantal Kesteloot, historienne au Centre d’Etude Guerre et Société (CegeSoma) aux archives de l’Etat, est sceptique quant aux résultats de l’enquête. Elle estime en effet que "révéler en pâture le nom de ce notaire dont on n’est pas à 100% sûr de la culpabilité" n’est pas forcément pertinent. Enfin, elle rappelle qu’il "ne faut pas se tromper de cible. Les responsables sont bel et bien ceux qui ont mis en place le système d’extermination des Juifs d’Europe".

Ça montre à quel point le régime Nazi était tordu, et comment il poussait les gens à faire ces choses-là. La vraie question est, qu’est-ce que moi j’aurais fait ?

Quoi qu’il en soit, faire la lumière sur un sujet qui passionne autant les Néerlandais et le monde entier est compliqué et délicat. D’autant que "les gens vont certainement être mal à l’aise avec l’idée qu’un Juif a dénoncé un autre Juif", remarque Jon Weirthem, journaliste pour CBS.

"Oui", lui répond Thijs Buyens. "Parce que ça montre à quel point le régime nazi était tordu, et comment il poussait les gens à faire ces choses-là. La vraie question est, qu’est-ce que moi j’aurais fait ?"

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