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Une Little Simz introvertie en vaut deux

Little Simz vient de sortir l'album "Sometimes I Might Be Introvert".

© Nwaka Okparaeke

Par Nicolas Alsteen via

Toujours irréprochable, Little Simz signe un quatrième album impeccable. Effort hip-hop, schizophrène et aventureux, "Sometimes I Might Be Introvert" explore la question du succès, de la féminité, du rapport à la race et aux origines familiales. Tout ça avec un étrange caméo d'Emma Corrin, Lady Di à l'écran, c'est carrément royal.

À quoi tient le succès ? Véritable obsession pour de nombreuses starlettes et autres personnalités publiques de la planète, la question a encore pris de l'ampleur à l'heure du narcissisme commercialisé en masse sur Insta ou TikTok. Au taquet depuis 2010, Little Simz est, elle aussi, en droit de s'interroger. Adoubée par Kendrick Lamar, remarquée chez Gorillaz, l'artiste déploie son accent cockney sur des sons piochés aux quatre coins de Londres. Grime, R&B, UK bass et rap old school s’agitent ainsi au cœur d'une musique moderne et sans complexe. Loin des bandes pré-enregistrées et autres plans trafiqués à l’Auto-Tune, l’Anglaise donne de la voix. Rentre-dedans et haut perché, son flow radical et bagarreur défend avec ferveur l’honneur du hip-hop britannique. Malgré sa fougue, son engagement et une nomination au Mercury Prize, le nom de Little Simz n'est pourtant pas le plus bankable de la planète rap. Loin de là. Alors qu'elle vient de sortir son quatrième album, la chanteuse se penche sur son cas avec ce qu'il faut d'arrogance et d'autodérision. Planté au milieu du disque, le morceau "Standing Ovation" réclame d’ailleurs – et à raison - quelques applaudissements (supplémentaires).

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Plutôt deux fois qu'une

Et si, finalement, le succès relatif de Little Simz tenait exclusivement à sa personnalité ? En substance, c'est l'hypothèse soulevée par l'intitulé du quatrième album de la principale intéressée. "Sometimes I Might Be Introvert" est une affirmation, mais aussi une belle pirouette. Car, en filigrane de ce titre, l'artiste distingue sa propre personne de son œuvre. Soulignée d'entrée de jeu sous les orchestrations grandiloquentes du single "Introvert", la distinction entre la musique signée Little Simz et l'état d'esprit qui habite Simbiatu Ajikawo - de son vrai nom - est sculptée sur la pochette du disque. Réduit à un acronyme "Sometimes I Might Be Introvert" se dit SIMBI. Comme le surnom affectueux donné à l'artiste au sein de sa famille et de son cercle privé. Tout l'album est ainsi suspendu entre ces deux extrémités : deux pôles qui surplombent un fossé de schizophrénie.

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La couronne et la princesse Diana

Dans un monde parfait, Little Simz serait - depuis longtemps - montée sur le trône du rap international. À l'épreuve du temps, sa musique se construit en effet au croisement des genres et des continents. Engagés et positifs, les trois premiers albums de la Londonienne suscitent l'admiration en Amérique et ouvrent des voies royales à certains exploits britanniques. Ami et producteur attitré de l'Anglaise, Inflo a d’ailleurs profité de son travail de fond pour lancer les bases du collectif Sault. Si Little Simz ne porte pas encore la couronne qu'elle mérite, elle profite néanmoins de son quatrième album pour inviter la Princesse Diana. Ou plutôt Emma Corrin, l'actrice qui endosse le rôle de Diana Spencer dans la série "The Crown". Planquée à la fin de certains titres, celle-ci lit des phrases mystiques avec son bel accent de Lady Di. Le caméo est cocasse mais, à l'autopsie, pas franchement efficace. À bien y regarder, c'est même le seul bémol à adresser au nouvel album.

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Papa was a Rollin Stone

Impressionnant de maîtrise, "Sometimes I Might Be Introvert" s'abreuve à différentes sources musicales pour créer un océan de sons et d'idées. Sur les traces de Fela Kuti ("Point and Kill" en duo avec Obongjayar) ou de Lauryn Hill ("Woman" en duo avec Cleo Sol), Little Simz se montre aussi à l'aise dans les registres soul-jazz ("Two Worlds Appart") qu'en surfant sur des sonorités typiquement grime ou UK bass. À cet égard, "Rollin Stone" assure un rendement maximal. Au-delà du style et des prouesses instrumentales, ce quatrième album interroge la condition féminine ("Woman", donc), la couleur de peau, mais règle aussi quelques problèmes familiaux. "I Love You, I Hate You" s'adresse au père absent, les deux volets de Little Q reviennent sur le destin tragique d'un cousin poignardé, tandis que "Miss Understood" tente d'apaiser des différends avec sa sœur. Ou comment soigner ses blessures avec l'art et la manière.

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