2019 est notamment l'année internationale des langues autochtones. C'est le souhait de l’Unesco. Parce que les langues jouent un rôle crucial dans la vie quotidienne, intéressons-nous à une démarche de collecte et surtout de sauvegarde. Une association lancée il y a 15 ans par le chanteur Dick Annegarn traque et enregistre des chansons parfois oubliées.
Une initiative originale
Le breton, le picard, le bruxellois, ou encore le wallon... ces langues régionales sont aujourd'hui sérieusement menacées, faute de pratiquants.
Alors que faire pour sauver ces langues régionales ? Le chanteur néerlandais Dick Annegarn a eu l'idée de collecter ce patrimoine qui a tendance à disparaître. Avec l'association Les Amis du Verbe, il a décidé d'enregistrer les chansons que nous chantaient nos grands-parents, dont la transmission ne se fait souvent qu'oralement.
Avec sa caravane, il sillonne les régions de France, de Belgique, du Québec, pour faire chanter les chansons ou déclamer les poèmes oubliés et enregistrer cette mémoire, cette vraie culture orale.
C'est un projet que Dick avait en tête depuis très longtemps, explique Jean-Pierre Soulès, musicien et régisseur de Dick Annegarn, qui l'accompagne sur les opérations de collectage. Il a commencé par de petites opérations puis le projet a pris de l'ampleur. Les rencontres avec les gens sont exceptionnelles.
"On va chercher dans la mémoire des gens, et on tombe sur des chansons superbes. On tombe parfois sur des choses un peu particulières, comme au Québec, avec des chansons françaises du 19e s qu'ils chantaient sans accent. Des chansons du répertoire de comédies musicales de Marseille du début 20e, et pour eux là-bas, ce sont des chansons traditionnelles."
Une collecte qui s'inscrit dans la durée
En une journée, la collecte est aléatoire, en fonction de la communication qui a été faite. Les gens sont curieux, viennent le premier jour, réfléchissent à ce qu'on leur demande et souvent reviennent le lendemain. En moyenne, on enregistre 5 à 6 séquences par jour et 2 sont intéressantes, précise Dick Annegarn.
Le format d'enregistrement est le même pour toutes les séquences prises, quel que soit l'endroit : fond uniforme, chaise, même plan. Cela met en valeur les gens, plus que si les décors changeaient. Le fait d'être enregistré en vidéo peut sembler intimidant, mais Dick Annegarn met bien à l'aise les candidats.
Les Amis du Verbe ont déjà collecté le wallon, le québecois, l'occitan, le picard, le parisien, le créole, le basque, l'alsacien, le berbère...
C'est un fonds, un collectage, qui est fait pour durer, comme celui qu'a fait l'ethnomusicologue américain Alan Lomax, qui, tout au long du 20e s, a enregistré du field recording de musique folk un peu partout aux Etats-Unis et aux Caraïbes. Aujourd'hui, il inspire encore des artistes.
"L'idée est que des chansons anciennes inspirent des chansons nouvelles. Moi-même, je m'inspire des chansons folk. Il y a beaucoup de pirates chez nous !"
Une bonne récolte belge
Environ 250 séquences sont disponibles sur youtube, vues quelques centaines ou milliers de fois. La récolte belge a été plutôt bonne, une soixantaine de chansons font désormais partie de la Chaîne du Verbe ! Des chansons que vous pouvez aussi chanter, puisque les paroles s'affichent, comme au karaoké !
Les relations intergénérationnelles ont à cette occasion été privilégiées, comme à Verviers où un projet est né de la rencontre d'enfants et de personnes âgées du home. Le projet va d'ailleurs se prolonger l'an prochain. Pour les enfants, cela a représenté une valorisation via youtube ; pour les adultes, une occasion d'initier les enfants au wallon.
Au final, les buts sont atteints : protéger la mémoire des chansons et inviter les générations à s'engager à la préserver.