Vous fréquentez régulièrement les librairies spécialisées dans la BD ? Alors, vous êtes le témoin par excellence qu’il est impossible de suivre toute la production en la matière ! Savez-vous que l’on estime cette production entre 8 et 10.000 ouvrages annuels ?
La Foire du livre de Bruxelles est une occasion parmi tant d’autres d’évoquer la BD francophone. Malgré un festival "en ligne ", de nombreux auteurs sont et seront présents à Bruxelles pour des dédicaces : Florence Dupré La Tour, Alix Garin, Alex Baladi, Mathieu Burniat, Gérard Goffaux… Pour évoquer cet univers foisonnant, quoi de plus normal que de faire appel aux connaissances de l’un des grands spécialistes du genre, Clément Fourrey, responsable de la programmation BD de ladite Foire du livre !
D’emblée, après être passé par ses phases de jeunesse et d’adolescence, le 9e art a atteint l’âge adulte et acquit son indépendance face aux autres genres littéraires. Longtemps considérée comme étant exclusivement destinée aux enfants et aux adolescents, la BD est désormais une littérature à part entière.
Elle s’exprime aujourd’hui sur des sujets extrêmement variés. L’écologie, les grandes questions sociales et anthropologiques sont à l’ordre du jour… On pense alors à Yasmina et les mangeurs de patates (Dargaud, 2019), de Wauter Mannaert (rencontre du 6 mai à revoir) ou la série Lucien et les mystérieux phénomènes, chez Casterman. Des ouvrages qui s’apparentent au roman ou à l’essai mais avec cette formidable porte d’accès axée sur l’image et l’imaginaire.
Si, clairement, la BD "classique" – avec ses 48 pages couleurs – a encore de l’avenir, particulièrement pour les séries qui font partie d’une forme d’ADN du genre, tels Lucky Luke, Astérix, Alix et autres Blake et Mortimer, créer et lancer une nouvelle collection n’a rien de simple, même si certaines réussissent à percer.
En revanche, un genre qui connaît un développement considérable depuis quelques années, c’est le roman graphique. Pour ce format différent, plus long, les maisons d’édition ont ressenti un appel de la part du public et s’y sont donc engouffrées, ce qui mène à des succès tels Anaïs Nin. Sur la mer des mensonges (Casterman, 2020), de Léonie Bischoff, Tanz !, de Maurane Mazars (Le Lombard, 2020), prix Révélation 2021 du Festival d’Angoulême ou encore Moi, ce que j’aime, c’est les monstres, d’Emil Ferris (Monsieur Toussaint Louverture), un ouvrage extraordinaire, tant d’un point de vue graphique que littéraire, dessiné au stylo-bille et Fauve d’Or à Angoulême en 2019 !
Classique ou pas, en couleur ou en noir et blanc, bandes dessinées et romans graphiques constituent autant d’ouvertures sur le monde. Sur les conseils de Clément Fourrey, voici quelques-unes des productions à ne pas rater, en commençant par une "pépite", une série surprenante, sans texte, les trois tomes de Thierry Cheyrol, parus à La 5e Couche : Gaïa (2017) et sa cosmogonie fascinante, Ouranos (2019), avec ses astres imaginaires et ses improbables aérolithes, enfin, [In] visible (2020), se focalisant sur des êtres fantasmagoriques issus de l’infiniment petit. Un pur chef-d’œuvre artistique et graphique.
Poursuivons par In Waves (Casterman, 2019), où AJ Dungo immortalise les instants de grâce de sa relation avec Kristen, la légèreté et l’émotion des premières rencontres, la violence du combat contre la maladie, la noblesse de la jeune femme qui se bat avec calme.
S’il est une série récente qui a réussi à faire sa place, c’est Le château des animaux (Casterman) de Xavier Dorison et Félix Delep. Une grande fable politique qui a pour cadre une ferme oubliée, quelque part en France au cours de l’entre-deux-guerres ; à travers un tas de références littéraires et esthétiques, les auteurs y content le quotidien très aventureux des animaux qui la peuple, dirigés d’un sabot de fer par le président Silvio…
Dans la catégorie thriller, La dernière rose de l’été (Sarbacane, 2020), de Lucas Harari, n’est pas sans rapport avec l’univers d’Hitchcock. L’histoire d’un jeune parisien rêvant de devenir écrivain et qui part garder une maison de vacances en bord de mer. Une histoire qui se révèle… terrifiante mais d’une beauté surprenante avec son esthétique épurée, aux couleurs vives et singulières…
Elément marquant depuis quelques années dans le monde de l’édition BD francophone, le manga prend une place grandissante. Non seulement, des auteurs adaptent des ouvrages étrangers mais d’autres créent des mangas de chez nous ! Une tendance se développe d’ailleurs en Europe autour du sujet : les "webtoons". Originellement issus des webcomics et "manhwas" (BD) sud-coréens, ces récits très prisés par les 13-25 ans, sont destinés aux smartphones et tablettes.
Une très belle réalisation papier reprenant les codes du manga est à découvrir absolument : la série Yojimbot. Entamée cette année chez Dargaud, par Sylvain Repos, elle projette le lecteur après la "3e crise de l’homme" ; la surface de la Terre est devenue inhabitable pour l’être humain et, parmi les ruines, ne restent que des robots. L’un d’eux, un Yojimbot – ou robot samouraï -, rencontre Hiro et son père qui cherchent à échapper à une troupe armée…
Enfin, pour les amateurs d’expositions en rapport avec le monde du 9e art, la Foire du livre de Bruxelles vous convie, le 16 mai à 14h30, sur flb.be, à une visite de la rétrospective du Centre Belge de la Bande Dessinée, consacrée à Juanjo Guardino, en compagnie de l’auteur de Blacksad (L’intégrale, chez Dargaud) et des Indes fourbes (Delcourt, 2019).
Le programme complet de la Foire du livre de Bruxelles est disponible sur www.flb.be.