La marche pour le climat de ce dimanche est un succès. Certains reprochent la présence des partis dans la foule, en particulier Ecolo et le PS qui sont pourtant dans les différentes majorités gouvernementales. Le MR y était représenté par les jeunes MR, la fédération des étudiants libéraux, mais pas par le président du parti qui a préféré se distancier. Les partis d’opposition étaient également présents, le cdH, Défi et le PTB. La question est posée : est-ce que c’est cohérent de manifester quand on est un parti de la majorité ?
L’exemple de la Gay Pride
Un constat d’abord, il n’est pas rare de voir des politiciens dans des manifestations. Ils sont souvent issus des partis de gauche, les libéraux ayant moins la culture de la rue et de la militance. Très souvent il s’agit de partis d’opposition qui rejoignent une contestation envers des décisions prises ou qui ne sont pas prises.
Lorsque des partis de gouvernements participent à de manifestations, elles sont très souvent devenues consensuelles. Elles ne véhiculent plus de dimensions politiques clivantes. C’est l’exemple de la Gay Pride, ou tous les partis politiques sont représentés, même le cdH héritier du parti social-chrétien. C’est le symbole de ce que le mouvement homosexuel a largement gagné la bataille des idées.
Et donc, la question qui se pose, c’est de savoir si ces marches ne se transforment pas en Gay Pride du climat. La participation d’un parti à une marche pour le climat est un enjeu de reconnaissance. Être reconnu par les manifestants comme étant légitimes. Reconnaître aussi ceux qui sont là comme légitimes.
La présence de partis de gouvernement dans la marche du climat donne donc au mouvement climat un caractère relativement consensuel comme celui de la Gay Pride. C’est ce que reprochent certains militants climat. Ils estiment que ces marches ne sont pas assez politiquement engagées, pas assez antisystèmes, pas assez en rupture et surtout inefficaces. Ce qui permet la présence de partis de gouvernements dans la rue.
Cette apparence de consensualité se retrouve dans le mémorandum de la coalition climat, il y a 140 fois le mot climat, 33 fois le mot juste, 10 fois le mot inégalité, mais zéro fois le mot capitalisme. Le mémorandum n’est pas un manifeste idéologique et il est pensé pour rassembler le plus largement possible.
Pourtant la consensualité n’est que d’apparence. Il contient un contenu politique très marqué et potentiellement assez conflictuel : un État plus interventionniste, une économie moins libérale, une responsabilisation forte des États des entreprises et des individus face au vivant et à la planète. Autant de positions qui sont loin d’aller de soi dans le débat public et qui distingue le phénomène des marches du climat de la Gay Pride.
Technocratie ou démocratie ?
En démocratie, il est assez logique et même sain que des partis descendent dans la rue. Y compris des partis de gouvernements.
Posons-nous la question : que révélerait le fait qu’aucun parti de gouvernements ne manifeste pour le climat ? Est-ce qu’il n’y aurait pas alors une forme de manque de reconnaissance de la part des marcheurs pour le climat ?
Autre argument : c’est limiter très fortement la liberté d’expression des partis politiques que de leur interdire le droit à la rue. Les partis ne sont pas que des décideurs, ce sont aussi des acteurs du débat. Ils ont aussi le droit de faire valoir leurs positions. C’est une position très technocratique de considérer qu’un parti n’est fait que pour décider.
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Bien sûr il y a le reproche d’incohérence. Mais il est assez étonnant qu’on ne s’offusque pas autant de voir des partis prendre des positions incohérentes dans la presse ou sur Twitter. Pourtant il est beaucoup plus courageux d’être incohérent dans la rue que sur Twitter ou Facebook. Parce que la rue est un lieu de rencontre et aussi de conflit. C’est une prise de risque. Les partis de gouvernements ont sans doute dû prendre pas mal de bois vert et de remarques sur leurs incohérences. Cet échange nourrit et fait évoluer les partis. Beaucoup plus que le pugilat permanent et devenu stérile des réseaux sociaux.
On ne peut pas en même temps reprocher aux partis d’être au-dessus de la population et en même temps leur reprocher d’être à ses côtés.