Le professeur David Strivay n’en revient pas : ce chercheur en spectroscopie atomique et nucléaire de l’Université de Liège devait accueillir ce samedi une scientifique du Thailand Institute of Nuclear Technology, dans le cadre d’une coopération entre les deux pays. Mais à son arrivée à l’aéroport de Bruxelles-Zaventem, cette dernière a été refoulée. "Au départ, nous pensions qu’elle avait été recalée car son carnet vaccinal n’était pas correct", raconte David Strivay.
En effet, la chercheuse avait reçu une dose de vaccin chinois Sinovac, non certifié par l’EMA (l’agence européenne des médicaments) et donc non reconnu en Belgique. "On était en attente, je pensais que c’était le seul problème, confie David Strivay. Puis la police des frontières m’a dit que ce n’était pas un problème de vaccin, mais que l’Office des Etrangers pensait que ce n’était pas un voyage essentiel."
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Un qualificatif qui étonne le chercheur liégeois : il estime avoir organisé ce séjour dans les règles. "C’est une visite d’une semaine sous l’égide de l’agence atomique, approuvée par l’agence fédérale nucléaire belge, affirme-t-il. J’ai bien lu : tout ce qui concerne l’accueil de chercheurs étrangers est à caractère essentiel, à moins que ça ait changé ces derniers jours."
Mais plus que le retard, David Strivay s’étonne de la manière dont la chercheuse thaïlandaise, qui a souhaité rester anonyme, a été traitée à son arrivée en Belgique. Arrivée vers midi samedi, elle s’est vu confisquer ses papiers et son téléphone portable et a été placée en centre fermé, selon le scientifique. "Nous n’avons eu de nouvelles que vers 20 heures, note-t-il. Elle avait deux options : soit retourner immédiatement en Thaïlande, soit faire appel de la décision, avec l’aide d’un avocat, mais sans garantie."
Considérée comme une criminelle
La chercheuse est rentrée en Thaïlande le lendemain, un peu déboussolée par l’incident. "Elle a été très choquée, elle ne s’attendait pas du tout à ça, témoigne David Strivay. Confisquer ses moyens de communication, c’est un peu dur, elle a été considérée comme une criminelle alors qu’elle est venue dans les règles."
Pourtant, le site du SPF Intérieur est clair : pour qu’un voyage soit considéré comme essentiel et autorisé, le voyageur doit être en possession d’une "attestation de voyage essentiel", délivrée par la mission diplomatique ou le poste consulaire belge. Ce document manquait-il à la scientifique thaïlandaise pour être en règle ? "Ce serait un des motifs qui a justifié le refoulement", précise Dominique Ernould, porte-parole de l'Office des Etrangers, jointe dimanche soir.
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Selon la porte-parole, la scientifique thaïlandaise aurait même été informée en amont de son voyage de l'impossibilité de venir en Belgique : "la compagnie aérienne nous avait contacté et nous avions dit non", affirme-t-elle. Concernant les conditions de détention, elle précise qu'il s'agit de la procédure habituelle, même si elle précise que le GSM n'a pas été "confisqué". "Dans les centres fermés, les personnes ne peuvent pas avoir accès à leur GSM, mais elles ne sont pas privées de communication", note-t-elle.
On ne laisse pas stupidement les gens venir en Belgique s'ils doivent être refoulés en arrivant
David Strivay rappelle qu’en novembre, un chercheur venu du même pays était resté un mois pour la même mission, sans avoir eu de problèmes. Pour Dominique Ernould, il est "toujours difficile" de comparer un un dossier avec un autre : "en fonction des mois, beaucoup de choses changent, au niveau du site des AE, c'est très difficile à actualiser, admet-elle. Il est possible que pendant un certain temps, les conditions aient été assouplies en novembre."
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Le chercheur liégeois est toutefois confiant : "on va s’arranger pour qu’elle puisse revenir faire son travail de recherche", dans le cadre de la coopération entre le Thailand Institute of Nuclear Technology et le Centre de Recherches du Cyclotron de Liège, dans le but de construire un centre équivalent en Thaïlande. "Elle peut toujours réintroduire un dossier, mais si les conditions restent d'application, elle risque d'avoir un refus, rappelle Dominique Ernould. Dans son pays d'origine, elle aurait déjà dû recevoir un refus de visa. On ne va pas la laisser stupidement venir en Belgique si elle doit être refoulée en arrivant." Dans tous les cas, la porte-parole persiste : non, venir pour une mission scientifique n'est pas un motif essentiel par définition, tout dépend des conditions.
Cet incident n’est pas sans rappeler celui du professeur de philosophie Omar Mboup, arrivé du Sénégal en novembre dernier. Malgré son visa Schengen en règle, il avait été arrêté et son passeport retiré, car il n’avait pas assez d’argent sur lui.