Ce dimanche 1er mars ne sera pas un dimanche comme un autre pour C., une jeune Bruxelloise d’origine asiatique qui préfère rester anonyme. "Bruxelles est ma ville, j’ai le droit d’y circuler et ce n’est pas normal que je me fasse insulter", nous raconte-t-elle. La pression est retombée depuis dimanche mais la peur est toujours là et l’insulte a encore du mal à passer : "Coronavirus !", comme le virus qui fait paniquer une grande partie du globe.
Il est 20 h 40. C., la vingtaine, quitte un membre de sa famille pour prendre un bus de la STIB, qui attend sur une place bruxelloise. "Je vois que le bus va partir. Sur l’affichage est indiqué 'Départ imminent'", se souvient C.. "Je cours pour rejoindre ce bus car j’ai un autre rendez-vous. Je vois, pendant que je cours, que je vais devoir passer devant un groupe de jeunes. Le harcèlement de rue, c’est mon quotidien. Chaque jour, je me ramasse une remarque sexiste. Avec des 'bonjour, comment ça va ?' en chinois, japonais et même en coréen. Et je me dis, vu l’heure tardive, que je vais encore prendre une remarque."
J’étais en colère, énervée
Le véhicule de la STIB est en vue, C. deuxième génération d’une famille venue de Chine accélère. En passant devant l’attroupement, une parole jaillit. Une remarque déplacée, semble reconnaître C. malgré le bruit de la circulation, suivie d’un "Coronavirus". "Je me suis dit : 'WTF'. J’ai le sang chaud. Je suis des cours de self-défense. Je n’ai pas peur. Là, j’ai sorti une insanité, un 'fils de p…' que je regrette aujourd’hui, je n’en suis pas fière car ce n’est pas dans les principes de la féministe que je suis. Mais je voulais les humilier sur le moment. Je me disais : j’ai le droit de courir après mon bus sans me ramasser une remarque sexiste et raciste. J’étais en colère, énervée. Les jours précédant, j’avais lu des articles relatant des actes anti-asiatiques violents à Londres, à Paris… Ma mère elle-même, à Bruxelles, avait eu une remarque quelques jours auparavant, on avait mimé de l’égorger parce qu’asiatique. Ce soir-là, j’ai explosé et j’ai réagi verbalement."
C. presse le pas et embarque dans le bus, vide. Elle s’installe sur le siège derrière le chauffeur. Le véhicule ne démarre pas encore et l’altercation avec les jeunes est loin d’être terminée. "Deux sont arrivés, sont montés dans le bus. Un bloquait la porte pour m’empêcher de ressortir, l’autre est venu me parler. Il me demande de répéter ce que j’ai dit et pourquoi je l’ai insulté. 'D’où tu me parles comme ça ?', balance celui-ci. Il affirme que ce n’est pas lui qui a dit 'Coronavirus'. Je lui réponds alors que si ce n’est pas lui qui a dit ça, alors mon insulte ne lui était pas adressée. Mais il ne veut rien savoir."
Il m’insulte, me menace
La situation se tend, le chauffeur panique et demande aux protagonistes de se calmer. A tout moment, les choses peuvent déraper. Le jeune homme veut absolument avoir le dernier mot. "Moi, je me concentre sur lui, sur son regard. Si je regarde ailleurs, je ne sais pas ce qui peut se passer." Le jeune homme se rapproche physiquement de C., l’insulte, la menace. "Il me dit de fermer ma g…, me menace de prendre mon GSM. Il dit qu’il va me frapper. Si on en vient aux mains, je ne suis pas en sécurité dans ce bus, exigu. Je ne connais pas non plus le quartier. Il peut rameuter ses amis."