"Venise, le 16 mars 2020. Le père de mon amie est mort. Seul. Comme tous ceux qui meurent du virus. La dernière fois que j’ai vu mon amie à Milan, nous avions fait quelques pas avec son père via Washington. Un petit homme dégarni, le regard doux. La voix douce aussi." C’est de cette façon tragique que commence le billet de Séverine Zajtman, à la date d’hier ici, sur son blog. Chaque jour, cette Belge, bruxelloise, expatriée à Venise, raconte son quotidien. Avec son compagnon et ses deux enfants, ils sont en confinement total depuis une semaine. Un récit choc, sur ce qui pourrait arriver aussi en Belgique. Nous avons pu la joindre.
Séverine Zajtman, comment, en Italie, en est-on arrivé à un confinement total ?
Il y a d’abord eu la fermeture des bars à 18 heures, qui a été suivie au bout de deux jours par la fermeture complète des bars, des restaurants et de tous les magasins non indispensables. Depuis mercredi dernier, on ne peut vraiment plus sortir et il y a des contrôles. Les contrôles sont effectués par les polices locales, elles vérifient si nous avons une raison valable d’être dehors. Donc, on peut sortir pour aller faire des courses, mais une seule personne par famille peut rentrer à l’intérieur du supermarché. On peut sortir pour aller dans les petits commerces, mais il n’y a que deux clients à la fois qui peuvent rentrer dans ces petits commerces. Et donc, il y a des files énormes. Dans les supermarchés aussi.
Cela veut dire que vous restez enfermés chez vous 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 ?
Oui. Nous dans tout ça, on a l’énorme chance d’avoir un chien. Car pour promener le chien, on a le droit de sortir ! Du coup, on se bat mon compagnon et moi pour savoir qui y va. D’habitude, c’est plutôt l’inverse… J’ai fait une "longue" promenade avec le chien jeudi dernier sur la Fondamenta, la rue qui borde le canal de la Giudecca, littéralement à cinq minutes à pied de chez moi. Les policiers m’ont dit que j’étais trop loin et que j’aurais dû rester plus près de chez moi.
Il faut quand même savoir qu’il y a un risque de 206 euros d’amende pour des sorties non justifiées, et cela peut aller jusqu’à trois mois de prison. Nous, on s’accorde des petits moments de liberté. C’est arrivé hier pour la première fois, où on a sorti les enfants pendant maximum dix minutes. Ils ont fait cinq fois le tour du pâté de maison. Ma fille à vélo, mon fils en poussant son petit chariot. Cela leur permet au moins de se défouler à l’extérieur. En faisant ça, c’est apparemment très innocent, pourtant nous avions l’impression d’être en totale illégalité.