Journal du classique

Une basse de violon, unique témoin de la musique jouée pour le Roi Soleil à Versailles, mise aux enchères

Basse de violon du début du XVIIIe siècle, vraisemblablement créée pour l'une des musiciens de la Musique du Roi, Louis XIV

© Aguttes

Par Céline Dekock via

C’est un instrument exceptionnel qui sera mis en vente ce lundi 6 décembre à Neuilly-sur-Seine par la maison de vente Aguttes. Une basse de violon datant du début du XVIIIe siècle et qui serait, selon toutes vraisemblance, l’unique témoin connu à ce jour de la musique jouée à la cour de Louis XIV à Versailles. Un témoin inestimable de l’histoire de la musique qui a été estimé entre 500.000 et 600.000 euros.

La musique occupait un rôle primordial à la cour de Louis XIV, de la musique de divertissement qui accompagnait les fêtes somptueuses et les ballets et comédies de Molière, à la musique sacrée et cérémonielle qui rythmaient les messes auxquelles assistait quotidiennement le Roi Soleil. La chapelle musicale, dont la construction qui sera achevée en 1710 à la fin du règne de Louis XIV, est le dernier grand projet du souverain. Véritable joyau de la musique, elle est la plus ancienne des institutions musicales de la monarchie française et est décrite comme un "formidable laboratoire de la musique baroque française".

Violon de procession qui aurait résonné dans la Chapelle royale de Versailles

Et la basse de violon qui sera mise sous le feu des projecteurs ce lundi 6 décembre dans la maison de ventes Aguttes serait le seul témoin physique connu à ce jour de la musique jouée pour Louis XIV à la fin de son règne. C’est du moins ce que semblent révéler les expertises menées par Grégoire de Thoury, responsable du département mobilier & objets d’art de la maison Aguttes.

Si la basse de violon, format de violon proche du violoncelle et abandonné vers 1730, a été transformée et adaptée en violoncelle, de nombreux éléments permettent de déterminer sa facture originelle, ainsi que sa destination royale.

La notice de présentation du lot 180 précise que les analyses de l’instrument laissent supposer d’une "largeur diminuée de 5,6 cm par le milieu de la table", diminution qui aurait été réalisée au moment de son adaptation en violoncelle. "L’instrument dans son état originel devait mesurer 59,7 cm au plus large" conclut la notice. 

Mais comment savoir que ce violon a bien été construit à destination d’un musicien du roi ? Plusieurs éléments ornementaux permettent de corroborer cette hypothèse.

Le fond de l’instrument est agrémenté d’un décor peint représentant les grandes armes royales de France, que l’on retrouve d’ailleurs sur la grille de la cour d’honneur du château de Versailles. On retrouve également des fleurs de lys peintes dans les coins de la table d’harmonie et trace de rosace sous la touche. Les éclisses portent l’inscription peinte : "Sit nomen Domini benedictum" tirée du psaume 112 ("Que le nom du Seigneur soit béni").

Témoin exceptionnel de la musique du début du XVIIIe siècle

Enfin, à l’intérieur de l’instrument, une étiquette manuscrite a permis de remonter le fil de l’histoire de cet instrument. Des mentions précisent notamment "d’Harcourt / table de Boquay / le dedans est pendu au magasin". Cette basse de violon aurait donc été réalisée par le luthier Jacques de Boquay, dont l’activité est attestée à Paris entre 1700 et 1730. Une période de production qui correspond à la surintendance de la Musique de la Chambre de Martin Richard de Lalande.

Comme le mentionne la Gazette Drouot dans son article, l’instrument "serait ensuite passé à la famille d’Harcourt, avant d’entrer dans la collection de Charles Enel (1880-1954), grand fabricant parisien de violons et d’altos, puis dans celle de son successeur, le luthier Frédéric Boyer".

Tous ces indices, mis les uns à côté des autres permettent de supposer que cette basse de violon a été commandée et réalisée à l’intention d’un des musiciens de la Musique du roi avant la mort de Louis XIV, en 1715. Et toujours selon Grégoire de Thoury, c’est pour la formation de la Chapelle royale que l’instrument a été créé, l’inscription du psaume 112 sur les éclisses suggérant une destination pour la musique sacrée. En partant de cette hypothèse, de Thoury émet l’hypothèse que la basse de violon était "probablement pour Prosper Charlot (1640-1710), Jean-Baptiste la Fontaine (1667-1729) ou Joseph Marchand (mort en 1737), tous trois basses de violons de la Musique du Roi".

Au regard de tous ces éléments, cette basse de violon est considérée comment l’unique témoin, qui soit parvenu jusqu’à nous, de la musique jouée pour Louis XIV à la fin de sa vie, ce qui en fait un objet d’art et d’histoire extrêmement précieux. Estimé entre 500.000 et 600.000 euros, l’instrument pourrait bien enflammer la salle de vente Aguttes ce lundi 6 décembre. Selon nos confrères de Radio classique, plusieurs institutions musicales ont déjà manifesté leur intérêt pour l’instrument, comme Musée de la musique de Philharmonie de Paris mais également le Château de Versailles et le Centre de musique baroque de Versailles.

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