Santé & Bien-être

"Underground" et féministe, l'essor balbutiant de la contraception masculine

"Underground" et féministe, l'essor balbutiant de la contraception masculine.

© Oliver Rossi

Par RTBF TENDANCE avec AFP

Ils portent des "slips chauffants", un anneau autour des testicules ou préfèrent une piqûre hebdomadaire : quelques milliers d'hommes en France ont fait le choix innovant de la contraception masculine. Une tendance saluée dans les cercles féministes, ravis que les hommes prennent aussi leur part de cette "charge mentale".

Les hommes confondent fertilité et virilité

Hormonal ou "thermique", ce type de contraception reste peu pratiqué et se heurte encore à un "obstacle sociétal", note Guillaume Daudin, co-auteur d'un livre-enquête sur le sujet, "Les Contraceptés" (éditions Steinkis), en librairies le 14 octobre.

"Pour beaucoup d'hommes, porter atteinte à leur fertilité est encore perçu comme une remise en cause de leur virilité", observe ce journaliste de 34 ans, qui depuis un an a lui-même basculé dans le camp "un peu underground" des hommes "contraceptés".

Le phénomène est cependant en nette hausse depuis quelques années, révèle son enquête, menée avec son confrère Stéphane Jourdain et transcrite en bande dessinée par la dessinatrice Caroline Lee.

"Il y a une vraie demande. Principalement d'hommes qui disent vouloir partager la charge contraceptive", confirme Maxime Labrit. En deux ans, il a fabriqué et commercialisé, depuis chez lui près de Bordeaux, quelque 10.000 anneaux en silicone à placer autour des bourses et de la base du pénis.

La méthode thermique : efficace et réversible

Porté toute la journée (mais pas la nuit), l'anneau entraîne une remontée des testicules hors du scrotum. Habituellement 2 à 4 degrés plus froides que le reste du corps, les glandes sexuelles ainsi "réchauffées" ne produisent plus de spermatozoïdes.

Après 3 mois d'utilisation quotidienne, l'homme devient infertile. Un processus réversible lorsqu'on cesse de porter l'anneau, affirme son concepteur.

Cette méthode "thermique" peut également se pratiquer à l'aide d'un sous-vêtement qui remonte les testicules, que les hommes fabriquent parfois eux-mêmes lors d'ateliers couture.

Elle est présentée comme efficace et sans effets secondaires dans une étude publiée sur le site de l'Association française d'urologie.

La recherche en manque de financements ?

Mais faute d'étude à grande échelle, n'a pas été validée par les autorités sanitaires : puisqu'il "revendique une action contraceptive", l'anneau "est considéré comme un dispositif médical" et devrait donc "disposer d'un marquage CE, dont il ne dispose pas à ce jour", a indiqué une porte-parole de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). L'agence précise être "en contact" avec la société fabriquant ce produit pour "l'accompagner dans ses démarches de mise en conformité".

Les promoteurs de la méthode craignent cependant une possible interdiction. Or "une réponse pertinente ne consiste pas à interdire un dispositif mais à accompagner les évolutions d'une société", ont fait valoir dans une tribune publiée récemment par Libération, plusieurs associations, dont le Planning familial.

Elles estiment que le gouvernement devrait soutenir davantage la recherche sur ce sujet mais aussi promouvoir la vasectomie, méthode de contraception quasi-définitive très courante aux Etats-Unis mais marginale en France.

Début septembre, le gouvernement français a annoncé la gratuité de la contraception... pour les femmes de moins de 25 ans. "C'est très bien mais pourquoi on ne met pas des moyens supplémentaires dans la recherche sur la contraception masculine ?", s'interroge Marylie Breuil, du collectif "Nous Toutes".

La "charge" contraceptive doit changer de camp !

C'est "l'une des prochaines étapes vers plus d'égalité entre les sexes", juge cette militante féministe. Car "actuellement, c'est la femme qui va chez le médecin, paie, prend la contraception, met une alarme sur son téléphone pour ne pas oublier".

"Et l'homme, lui, n'a rien à faire. Parfois il sait à peine comment ça marche."

La gratuité pour les jeunes femmes était une "priorité très nette" pour le gouvernement français puisque "aujourd'hui, le poids financier de la contraception repose avant tout sur les femmes", a répondu le ministre de la Santé, Olivier Véran. "Je le vois comme une première étape", a ajouté M. Véran, pour qui "la question plus large de la contraception masculine doit faire son chemin dans notre société" car "il n'y a pas de raison que le poids de ces questions ne repose toujours que sur le même membre du couple".

Pour de nombreuses femmes, difficile toutefois d'imaginer rétrocéder complètement cette charge à leur partenaire : certaines auraient trop "peur de perdre le contrôle de leur corps", pour lequel le mouvement féministe a longtemps lutté, observe Mme Breuil.

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