Un vaccin contre le virus de la sclérose en plaques ? "La crise covid a permis de développer des axes de recherche tout à fait nouveaux"

La sclérose en plaques est l’une des causes fréquentes de handicap chez les jeunes adultes. © Getty images

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Par Marie-Laure Mathot

S’il y avait un effet positif à retenir de la crise du coronavirus, c’est que la recherche pour trouver des vaccins contre le covid19 pourrait aider à trouver des vaccins contre d’autres virus. Notamment celui d’Epstein-Barr, à l’origine de la sclérose en plaques.

Il n’est pas le seul élément déclenchant la maladie mais le virus Epstein-Barr est l’un des facteurs engendrant la sclérose en plaques. C’est ce que révèle une étude américaine publiée cette semaine dans la revue Science. Identifier sa cause, ce serait l’espoir de pouvoir traiter la maladie et plus précisément d’empêcher qu’elle se développe grâce à un vaccin.

Tous les patients qui ont une sclérose en plaques ont rencontré ce virus

"On sait très bien que le virus d’Epstein-Barr est un des éléments de déclenchement de la maladie de la sclérose en plaques, confirme le professeur Dominique Dive, qui soigne cette maladie au CHU de Liège depuis de nombreuses années. Les études récentes montrent que tous les patients qui ont une sclérose en plaques ont rencontré ce virus."

Ce virus, il est très fréquent. C’est celui qui est à l’origine de la mononucléose, cette maladie bénigne que l’on contracte souvent pendant l’enfance ou la jeune adolescence et qui donne un état grippal ou de grosses fatigues pendant plusieurs semaines.

Le virus Epstein-Barr est très fréquent. Il cause la mononucléose.
Le virus Epstein-Barr est très fréquent. Il cause la mononucléose. © Dr_Microbe Getty images

"Comme beaucoup d’autres virus, Epstein-Barr va provoquer une réponse du système immunitaire, continue le professeur. Et il arrive que cette réponse soit une réponse croisée. C’est-à-dire, que la réponse va s’attaquer au virus mais aussi à des constituants normaux de notre organisme."

Ainsi, le système immunitaire s’attaque à la myéline, une gaine qui protège les neurones, un peu comme un caoutchouc qui protège un câble électrique. Cela peut provoquer des lésions qui passent parfois inaperçues jusqu’au moment du diagnostic d’une sclérose en plaques, une dizaine d’années plus tard.

Une maladie multifactorielle

Mais attention, ce n’est pas parce qu’on attrape la mononucléose qu’on risque la sclérose en plaques. "C’est une erreur de penser que la maladie est due uniquement à ce virus. Il est un élément de déclenchement d’un processus dysimmunitaire (NDLR : anomalie de fonctionnement du système immunitaire) mais ce n’est pas le seul", explique le médecin.

Un autre facteur est la génétique, donc le corps que vous avez à la naissance. "On évalue ce facteur génétique à environ 30% du mécanisme global de la maladie. Des études sur des jumeaux 'vrais', avec exactement les mêmes gênes, ont montré que quand le premier est atteint de sclérose en plaques, le risque pour l’autre jumeau est de 30%."

Enfin, les autres facteurs sont environnementaux. "On sait que la carence en vitamines D, le microbiote, l’obésité, le tabagisme jouent des rôles dans le déclenchement ou de l’évolution de la maladie. C’est en s’associant les uns aux autres qu’ils deviennent des facteurs de la maladie."

La bonne nouvelle : envisager un vaccin

Et si l’on agit sur le virus Epstein-Barr, un facteur commun à tous les patients, cela pourrait donner l’espoir d’un traitement. Mais attention, il s’agit pour le moment de considérer la prévention plutôt que la guérison.

"La bonne nouvelle, c’est d’envisager de pouvoir vacciner contre ce virus, s’enthousiasme le professeur, car cela pourrait évidemment réduire l’impact de cette infection dans le phénomène de déclenchement dysimmunitaire et ainsi de réduire la fréquence de la sclérose en plaques."

La société pharmaceutique Moderna, qui développe également des vaccins contre le covid19, est en train de travailler sur ces vaccins contre le virus Epstein-Barr. Elle est au stade des essais cliniques sur des humains. "Entendons-nous bien, la première étape, c’est de protéger contre une infection, précise le médecin liégeois. Ensuite, il s’agira de voir la proportion de gens qui ne vont pas développer la sclérose en plaques par rapport à la population générale."

Recul et nuance

Attention donc aux raccourcis. "On ne va pas guérir la sclérose en plaques avec un vaccin contre l’Epstein-Barr. Faisons preuve de recul et de nuance. Certains virus peuvent provoquer des maladies neurologiques ou autres. Se protéger contre certains types d’agent infectieux est un élément important pour se prémunir de la maladie."

Le terme "guérir" doit donc être pris avec précaution pour Dominique Dive. "Guérir, cela voudrait dire que la maladie est éteinte sans traitement. On essaye de s’approcher de ce Graal mais nous devons rester modestes vis-à-vis de la nature. Ce qui est raisonnable, c’est arriver à contrôler la maladie chez une grande majorité de malades."

Des traitements depuis les années 90

Depuis la fin des années 90, la médecine tend vers cette solution grâce à différents traitements de plus en plus disponibles et de mieux en mieux utilisés. "Nous avons fait d’énormes progrès, constate avec joie le médecin du CHU de Liège. Le premier traitement par interféron est arrivé en Belgique en 1996. Aujourd’hui, on a plus de 13 médicaments différents et d’autres, développés dans le courant de ces derniers mois, arrivent encore."

Car si la crise sanitaire a compliqué la prise en charge dans les hôpitaux, elle a accéléré la recherche de certaines solutions. "La technologie de vaccin à ARN messager n’était pas une technologie connue auparavant. À la faveur du Covid, il y a eu d’énormes progrès de développement d’une nouvelle approche pour fabriquer des vaccins. Et c’est grâce à cette nouvelle approche qu’on envisage aujourd’hui des vaccins contre des agents infectieux pour lesquels il n’y avait pas de vaccination possible auparavant."

Le médecin a donc l’espoir de voir des effets collatéraux positifs à la recherche dans le cadre de la crise du coronavirus. Et pas seulement pour la sclérose en plaques. Aussi pour d’autres types de maladies.

À toute chose malheur est bon

"Malgré le caractère abominable de cette pandémie qui a empoisonné la vie du monde entier, à toute chose malheur est bon, ça a permis de développer des axes de recherche qui n’étaient pas développables ou pas développés auparavant. Certains critiqueront les firmes pharmaceutiques en disant qu’elles travaillent dans leur intérêt mais on voit aussi qu’elles sont capables de rassembler leurs moyens sur des axes de recherche tout à fait nouveaux et qui aboutissent assez rapidement", conclut positivement le professeur Dominique Dive.

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