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Un restaurant bruxellois met Haron Zaanan dehors en raison d’une tenue jugée "incorrecte"

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Par Sarah Lohisse pour Les Grenades

Haron Zaanan s’est vu chasser d’un restaurant au centre de Bruxelles en raison de sa tenue. Un acte qu’elle juge discriminatoire et transphobe.

Rappel des événements

Haron Zaanan est un·e mannequin et influenceur.euse non-binaire (pronom : il/elle). Alors qu’elle mangeait au Drug Opera – un restaurant au centre de Bruxelles - dimanche soir avec sa sœur, le serveur de l’établissement lui a demandé de se revêtir.

Une demande qui la choque, suite à laquelle elle demande de voir le responsable de l’établissement. "Je portais une robe bustier avec un pantalon et des bottes, je ne comprends pas en quoi ma tenue choquait. Il a insisté pour que je me couvre parce que l’on voyait mon dos et que plusieurs clients se seraient plaints, ce qui s’est avéré faux. Il a continué en disant que si je ne le faisais pas, nous pouvions nous en aller ma sœur et moi", nous confie-t-elle.

Une injonction mise à exécution par l’influenceur.euse qui a tenu à ne pas payer l’addition. Il continue : "Je me suis senti·e humilié·e devant tout le monde. C'est de la discrimination et de l’injustice. C'est une atteinte à mes droits humains. Tout le monde doit avoir les mêmes droits, peu importe le genre, la nationalité, la couleur de peau ou le choix vestimentaire. On est tous des êtres humains, on mérite le même respect. Cela n'a pas été le cas à cause de mon genre. Si j’avais été une femme cisgenre, cela n’aurait pas posé le même problème".

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Elle explique avoir toujours vécu des discriminations depuis son enfance, mais jamais de cet ordre-là : "Depuis l'âge de huit ans, je sais que je suis différent·e et unique, c'est une chose avec laquelle j'ai appris à vivre. C'est un peu triste parce que personne ne devrait vivre des choses comme celles-là. Pourtant, c'est vraiment la première fois qu'un établissement me dit de m'en aller. C'est un endroit public, j'ai été très choqué·e".

Il faut arrêter de dire que c'est normal. Non, ça ne l'est pas

Visibiliser les discriminations

La scène, qui a été filmée par sa sœur et les voisins de table, a été postée sur les réseaux sociaux dimanche 30 janvier au soir et est depuis devenue virale: elle compte aujourd’hui plus d’1,7 million de vues : "Je me suis dit que je n'allais pas une fois de plus subir une discrimination devant les yeux de tout le monde, sans parler, en me sentant humilié.e, sans essayer de le dénoncer. J'ai demandé à ma sœur de filmer au moment où le responsable est arrivé. C'était important pour moi de visibiliser ce que j'étais en train de vivre. Cela ne doit plus se passer. Il faut arrêter de dire que c'est normal. Non, ça ne l'est pas. Aujourd'hui je n'accepte plus que ça se passe, pour moi ou pour quelqu'un d'autre", explique Haron Zaanan.

Tout le monde doit avoir les mêmes droits, peu importe le genre, la nationalité, la couleur de peau ou le choix vestimentaire

La vidéo a eu de nombreuses retombées positives, notamment de la communauté LGBTQIA+. "Je suis content·e parce qu'avec cet engouement, je réalise que beaucoup de personnes me comprennent, que c'est un problème de société qu'il faut changer. J'invite toutes les personnes de ma communauté qui vivent des discriminations comme moi à faire la même chose. Nous sommes en 2022 et il y a vraiment toute une communauté derrière qui nous soutient. J'ai reçu une vague d'amour, cela m'a donné une autre facette des réseaux sociaux", continue-t-elle.

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Des endroits de "safe space"

Une discrimination que juge la RainbowHouse – la fédération bruxelloise qui regroupe plus de 60 associations LGBTQIA+ - à la fois regrettable, inconcevable et condamnable : "On a évidemment adressé toute notre solidarité à Haron. C’est inconcevable qu’à Bruxelles, on soit encore importuné·e, victime et exclu·e, mis·e à la porte, et rejetté·e pour des questions liées à l'expression de genre par rapport à une tenue. C'est quelque chose qui ne peut pas arriver, c'est un non-respect absolu des identités de chacun·es.

"C'est condamnable évidemment puisque des lois anti-discriminations existent. On est ici manifestement sur un fait de transphobie, c'est donc toute une série de préjugés et stéréotypes vis-à-vis d'une personne qui ne se sent pas en conformité avec son genre qu'on lui a assigné à la naissance et qui conduit au rejet", commente Jean-François Cannoot, coordinateur de la Maison arc-en-ciel.

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Il rappelle les chiffres de la FRA (l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne) : 22% de personnes ont été victimes d’agression basée sur le genre dans le milieu HORECA sur ces douze derniers mois. "En Belgique, c’est 20%. Cela représente quand même une personne sur cinq. C’est encore beaucoup", commente-t-il. "D’autre part, 11% des personnes LGBTQIA+ évitent certains lieux de peur d’être harcelées, 32% de se tenir la main dans l’espace public".

Si une personne est victime ou témoin d’une discrimination, d’une agression ou d’un fait de violence basé sur le genre, plusieurs structures sont à disposition pour écouter et soutenir les personnes subissant de la LGBTphobie. Unia et l’Institut pour l’égalité entre les femmes et les hommes peuvent accompagner dans les procédures judiciaires.

De leur côté, la RainbowHouse s’efforce d’orienter correctement les victimes, mais également à sensibiliser, notamment via un système de signalement des discriminations. Elle forme aussi des agents de police pour offrir des espaces LGBTQIA+ friendly.

Jean-François Cannoot ajoute enfin que pour être un allié.e, il faut faire preuve de soutien et de reconnaissance de l'identité de la personne : "Il faut aussi dénoncer des faits [comme ceux qu’Haron vient de subir] pour faire évoluer les mentalités dans la société. La société n'est pas binaire, elle est diverse. Elle doit permettre que dans l'espace public, tout un chacun se sente bien".

Si aujourd’hui Haron Zaanan souhaite porter plainte, il rencontrera le bourgmestre Philippe Close cet après-midi. "Il m'a envoyé un message via son compte Instagram directement après les faits. Je suis content.e de pouvoir le rencontrer. Si nous pouvons parler des discriminations que j'ai vécues, de trouver des solutions et de partager quelques idées pour la ville de Bruxelles, cela serait enrichissant", explique-t-elle.

De leur côté, malgré nos sollicitations, le restaurant n’a pas souhaité répondre à nos questions.

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