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Un Œil sur demain : l'agriculture indoor, un laboratoire pour relever les défis de demain ?

© Adeline Percept

Par Adeline Percept avec Maurizio Sadutto

L’agriculture contrôlée veut défendre son modèle pour relever les défis du changement climatique et la pénurie d’eau.

Surchaussures, blouses, charlottes sur la tête : nous entrons dans un laboratoire protégé des bactéries humaines. L’ambiance est futuriste. Des lumières LED horticoles roses et violettes éclairent des plateaux qui s’empilent à perte de regard vers le haut du hangar. Nous sommes guidés par Gilles Dreyfus, président et co-fondateur de Jungle, qui connaît les moindres recoins de sa ferme verticale installée à Château-Thierry, à 100 km à l’Est de Paris.

Nous sommes dans l’une de nos tours de culture. Nous avons une prise au sol de 42m2, 9m de hauteur sous plafond et 26 niveaux de cultures… Cela fait au total 400m2 de culture. Autrement dit, on a un rapport de 1 à 10 entre la surface que nos cultures prennent au sol et la surface que nous cultivons”, explique-t-il.

Il fait chaud et humide. Un robot va chercher un plateau à 8m de hauteur pour le ramener tout juste sous nos yeux. Un plateau de basilic pratiquement prêt à la récolte, avec une odeur bien caractéristique de cette plante aromatique - la plus vendue en France. Comme les autres plantes cultivées ici, il sera livré dès demain matin dans l’une des grandes surfaces partenaires (Monoprix, Grand Frais…).

98% d’eau économisée

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À la ferme verticale, ces herbes aromatiques, salades et micro-pousses, comme le wasabi, sont cultivées en hydroponie - sans que les racines soient mises en terre. “On apporte aux racines très précisément ce dont elles ont besoin : une recette nutritive spécifique à chaque espèce, qui est un mélange d’eau et de sels minéraux”, détaille Gilles Dreyfus. Dans cet univers contrôlé, la réussite la plus spectaculaire réside sans doute dans le fait de faire circuler de l’eau en circuit fermé. “Cette méthode nous permet d’économiser 98% de l’eau utilisée dans l’agriculture traditionnelle”, commente Gilles Dreyfus.

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La photosynthèse est recréée par les LED horticoles. Le spectre et l’intensité idéales à chaque plante sont choisis et reproduisent le lever du soleil, son zénith et son coucher. Le climat idéal - c’est-à-dire la température, l’humidité, la concentration de CO2, la circulation de l’air, sont également définis pour chaque espèce.

Optimisation des paramètres de culture

Techniquement, presque tous les fruits et légumes pourraient être ainsi cultivés. Et les résultats interpellent, tant on se trouve loin de l’imaginaire collectif sur l’agriculture de demain. “Comme on optimise tous les paramètres, on peut cultiver et récolter toute l’année. Dans la nature, le basilic de Provence ou d’Italie du Nord est récolté 3 à 4 fois par an. Chez nous, c’est 14 fois.

En banlieue de Paris, Interstellar Lab cultive aussi en milieu fermé et contrôlé. Cette fois, nous entrons dans un “biopod”, une sorte de grande bulle transparente où s’alignent des plateaux similaires, cultivés sans terre.

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En partenariat avec la Nasa, Interstellar Lab teste ces méthodes pour que les astronautes de la station spatiale internationale ISS puissent embarquer avec des plateaux cultivés et se nourrir avec leurs cultures. L’entreprise projette aussi d’envoyer une version spatiale du biopod sur la lune. “L’un des enjeux est d’arriver à faire énormément de recherches sur la manière dont le vivant peut se développer dans des conditions qui sont très différentes de chez nous - avec des micro-gravités, l’impact des radiations solaires et une température distincte”, explique Jim Rhoné, chef de produit chez Interstellar Lab.

Des plantes lointaines à produire localement

Les applications de l’agriculture contrôlée en milieu fermé sont très nombreuses, mais les industries pharmaceutiques et cosmétiques semblent être des cibles immédiates et des marchés importants. 

Nous minimisons les ressources, et nous maximisons les caractéristiques que nous souhaitons en sortie de production," reprend-t-il. "Pour la cosmétique, on peut favoriser des arômes, ou alors une concentration en huile. Pour la pharmaceutique, on va chercher des métaboliques très spécifiques. Par exemple, on a travaillé avec de la pervenche de Madagascar qui produit des alcaloïdes pour le traitement contre le cancer. L’enjeu étant d’arriver à comprendre ce qui se passe côté vivant pour être capable de le répliquer ensuite dans le système qu’on développe.

© Adeline Percept

Selon des estimations compilées par l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), d'ici à 2050, la production alimentaire devra augmenter de 60 % pour nourrir une population mondiale de 9,3 milliards d’êtres humains. Cette agriculture indoor contrôlée peut-elle être une réponse, du point de vue de ses promoteurs ? “Pas la seule réponse, intervient Gilles Dreyfus. Mais l’une des réponses, sans aucun doute. Nous n’utilisons aucun pesticide ni fongicide, et nous répondons au défi de l’eau.

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Le modèle consomme pour l’instant beaucoup d’énergie car il faut reproduire la photosynthèse. Les deux entreprises planchent sur un fonctionnement futur aux énergies renouvelables. Jungle est en passe de déployer sur le territoire de nouvelles fermes verticales pour rendre la production locale - y compris de plantes qu’on ne trouve qu’à l’autre bout de la planète actuellement. L’idée étant de réduire considérablement le transport et donc le bilan carbone de ces cultures.

Un Œil sur demain

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