Sciences et Techno

Un Œil sur demain : en Italie, la viande de culture se heurte aux réticences des éleveurs

Il suffit d’organiser ces cellules dans une forme tridimensionnelle pour obtenir la viande de culture telle qu’elle sera consommée.

© Tous droits réservés

Par Valérie Dupont avec Maurizio Sadutto

Dans le nord de l’Italie, voici le département de biologie cellulaire de l’Université de Trento. Des scientifiques y sont financés par une association animalière car leurs recherches portent sur le processus de multiplication cellulaire. En d’autres mots, ils fabriquent de la viande en éprouvette.

L’université de Trento.
De gauche à droite : professeur de biologie appliquée Luciano Conti, professeur de biologie moléculaire Stefano Biressi.
Stefano Biressi, professeur de Biologie Moléculaire à l'Université de Trento.

"Imaginez une vache, un mouton ou un cochon." explique Stefano Biressi, professeur de Biologie Moléculaire. "On fait un prélèvement d’une petite portion de muscle ou même d’un autre tissu, même un prélèvement sanguin. Et de cette biopsie, on obtient des cellules qui sont multipliées dans un bioréacteur, comme on fait la fermentation de la bière."

Première étape : le prélèvement de protéines sur des animaux d’élevage (image d’illustration)
Seconde étape : mise en culture des protéines animales. (image d’illustration)
Troisième étape : nourrir les cellules pour qu’elles grandissent et se multiplient. (image d’illustration)
Il suffit d’organiser ces cellules dans une forme tridimensionnelle pour obtenir la viande de culture telle qu’elle sera consommée.

Ces cellules, comme des fibres de bœuf par exemple, sont ensuite nourries pour leur permettre de grandir et de se multiplier. Il faudra enfin les organiser dans une structure tridimensionnelle pour obtenir un morceau de viande.

Professeur Luciano Conti, professeur de biologie appliquée à l'Université de Trento.

"On utilise des substances nutritives qui permettent à ces cellules de se diviser." précise le professeur de biologie appliquée Luciano Conti. "En fait, on leur donne à manger. Avec le temps, ces cellules grandissent, se multiplient et en pratique, elles remplissent, comme vous le voyez, tout l’espace disponible."

Industrialiser le processus

Pour l’instant, seules des petites quantités de viande sont produites. Mais partout dans le monde, les chercheurs tentent de trouver une solution qui permettra d’industrialiser le processus de la viande cultivée.

Giulia Fioravanti, doctorante en innovation industrielle à l'Université de Trento.

"Ce type de produit pourrait alors remplacer la viande traditionnelle en diminuant fortement l’impact que nous avons sur l’environnement en ce moment.", argumente Giulia Fioravanti, qui est doctorante en innovation industrielle.

En 2013, un chercheur néerlandais, Mark Post, présente le premier hamburger de viande in vitro et le mange face au public. Dix ans plus tard, la viande n’est toujours pas dans notre assiette, mais il y a eu des progrès.

En 2013, Mark Post, un chercheur néerlandais, présente le premier hamburger de viande in vitro et le mange face au public.
Luciano Conti, Professeur de biologie appliquée à l'Université de Trento.

"Le prototype de 2013 a eu un coût plutôt élevé.", constate le professeur Luciano Conti. "On parle de 280.000 dollars pour produire un simple hamburger ! Aujourd’hui, on peut en produire à des coûts un peu plus bas, mais pas encore compétitifs avec le coût de la viande traditionnelle."

Des éleveurs déjà sur le pied de guerre

À ce jour, aucune demande d’autorisation n’a été soumise à l’Autorité européenne de sécurité des aliments. Il faudra attendre plusieurs années pour pouvoir comparer un morceau de porc à son clone in vitro. Et pourtant, en Italie, un mouvement d’éleveurs fait déjà pression pour interdire ce qu’ils appellent erronément la viande synthétique. Gianluca Barbacovi est Président de l’association des agriculteurs à Trento et il n’en démord pas :

Gianluca Barbacovi, président de l'association des agriculteurs de Trento.

"Nous avons organisé une pétition nationale pour demander une loi sérieuse au gouvernement qui interdit la consommation et la production de viande synthétique. Car avant de permettre ce genre de choses, nous devons être certain de ce qu’il y a dedans et quel est son impact sur la santé humaine."

Alors que les Japonais présentent le premier foie gras de culture et qu’à Singapour on mange déjà du poulet in vitro, l’Italie est le premier pays au monde qui veut l’interdire. Un obscurantisme qui risque de bloquer les financements des laboratoires, ce que déplorent les chercheurs.

Stefano Biressi, professeur de Biologie Moléculaire à l'Université de Trento.

"S’il n’y a pas de possibilité de production sur le territoire national, ce qui est en effet le risque avec ce projet de loi, alors, il est clair que les entreprises ne verront pas beaucoup d’intérêt à investir dans la recherche pour développer ce secteur.", regrette le professeur Biressi.

Elle n’existe encore qu’en éprouvette, mais en Italie, la viande de culture est déjà dans l’œil du cyclone

Des cellules animales nourries pour être multipliées et ensuite destinées à la consommation
Des cellules animales nourries pour être multipliées et ensuite destinées à la consommation © Tous droits réservés

Séquence JT du dimanche 28 mai 2023

Un Œil sur demain

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Inscrivez-vous à la newsletter Tendance

Retrouvez l’essentiel de nos thématiques Vie Pratique, Santé et Bien-être,Sciences et Technologie, Environnement et nature dans cette newsletter au plus proche de vos préoccupations et des tendances du moment.

Articles recommandés pour vous