Un hôpital suisse prive-t-il les mères non vaccinées de voir leurs bébés après la naissance ?

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Par Grégoire Ryckmans et Achille Dupas

Cet article a été modifié le cinq novembre 2021 afin d’ajouter les éléments relatifs à la partie FAQ du site internet de l’hôpital de Lucerne.

Sur les réseaux sociaux, une rumeur suscite énormément de réactions. Dans la ville de Lucerne, en Suisse, un hôpital interdirait aux mères qui ne sont pas vaccinées de rester auprès de leur enfant après l’accouchement. L’hôpital cantonal de Lucerne a bien mis en place des règles strictes qui imposent aux visiteurs de présenter un certificat sanitaire pour accéder à différents services de l’hôpital. Ces règles peuvent potentiellement concerner des mamans qui viennent d’accoucher, car elles doivent actuellement présenter un certificat Covid pour accompagner leur bébé en néonatologie. Cependant, ce certificat n’est pas nécessaire à la maternité pour les mamans qui viennent de mettre leur(s) enfant(s) au monde.


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Des personnalités publiques des milieux conspirationnistes émergents dans le cadre de la crise sanitaire actuelle, comme l’ancien journaliste français Richard Boutry ou la vidéaste et blogueuse suisse Ema Krusi, ont l’information selon laquelle les femmes venant d’accoucher à l’hôpital cantonal de Lucerne ne pourraient pas voir leurs bébés. Les vidéos à ce sujet cumulent d’ailleurs plusieurs centaines de milliers de vues.

Dans la vidéo d’Ema Krusi, cette dernière affirme par exemple : "Si vous êtes maman aujourd’hui et que vous allez accoucher à la maternité de Lucerne, vous êtes sous le coup du nouveau projet pilote c’est-à-dire que pour pouvoir voir votre bébé une fois que vous l’avez mis au monde, eh bien il va falloir montrer un certificat Covid". Les réactions indignées se sont multipliées sur les réseaux.

© Capture d’écran du blog d’Ema Krusi

Le certificat Covid ne concerne pas les mères en maternité

Ces publications se basent sur une information publiée par un journal suisse germanophone, le Luzerner Zeitung. Le quotidien a réalisé plusieurs articles sur le sujet, fin septembre 2021. La version suisse du journal 20 Minutes y a également consacré un article, titré en allemand : "Les nouveaux parents ont besoin d’un certificat pour s’occuper des enfants".

Sur le site Internet de l’hôpital cantonal de Lucerne, nous avons retrouvé le détail des explications relatives à la réglementation sur l’accès aux différents services pour les visiteurs. Pour le service "Maternité / Clinique des femmes", il est indiqué : "Les partenaires des femmes qui accouchent sont autorisés sans restriction s’ils ont un certificat Covid" (traduit de l’allemand). Le site internet indique que ces mesures sont effectives depuis le 1er septembre 2021.

Ainsi, pour ce qui est des services de maternité (Frauenklinik, en allemand) dans lesquels se déroulent les accouchements, le certificat Covid ne concerne que les visiteurs (les partenaires sont bien compris dans ces visiteurs), et pas les mères. Ces dernières sont en effet considérées comme des patientes et peuvent donc bien voir leur bébé sans restriction.

Depuis la mise en ligne de cet article, l’hôpital de Lucerne renvoie désormais vers la partie FAQ de sont site internet, comme signalé dans un article de l’AFPLa rubrique indique, à propos de l’exigence de certificat Covid 19 pour les femmes enceintes lors de l’accouchement : "Si vous n’avez pas été vaccinée contre le coronavirus, un test SARS-CoV-2 (frottis du nasopharynx) sera réalisé par la sage-femme à l’admission." En cas de suspicion de contamination ou si le test est positif, l’établissement indique également : "Ici aussi, on vise un isolement commun (avec le bébé, ndlr) dans la chambre. Cela sera discuté avec vous individuellement, en fonction de votre état de santé."

​​​​​​​Des nuances importantes

Il convient ici de bien faire la distinction entre :

  • La maternité ou "Frauenklinik" (littéralement clinique des femmes en allemand et donc maternité).
  • L’hôpital pour enfants ou "Kinderspital" (littéralement clinique des enfants en allemand), qui regroupe les services de pédiatrie (soins des enfants) et de néonatologie. La néonatologie est le service qui prend en charge les bébés qui nécessitent des soins particuliers, comme les prématurés.

Contacté au sujet de ses conditions d’accès et de visites, l’hôpital cantonal de Lucerne a détaillé les conditions et les raisons de l’application de ces mesures : "Dans les services de maternité et de néonatologie du LUKS (ndlr : acronyme pour désigner l’hôpital cantonal de Lucerne), les heures de visite ne sont pas limitées à une personne par jour et à une heure comme dans le reste de l’hôpital. Nous voulons tenir compte de l’événement extraordinaire qu’est une naissance et prévoir le plus de temps possible avec le nouveau-né. En contrepartie, les partenaires des femmes qui accouchent ou qui rendent visite aux parents en néonatologie sont tenus d’avoir un certificat ou un test (ndlr : Covid)".

La règle des "3G" en Suisse

En suisse, mais également en Allemagne ou en Autriche, les lieux soumis à une réglementation dans le contexte de la crise sanitaire suivent la règle des "3G", qui n’a rien à voir avec le réseau mobile mais désigne en allemand "Geimpft, Genesen, Getestet", c’est-à-dire "Guéri, Vacciné ou Testé". Pour obtenir un certificat Covid, il faut donc remplir un de ces trois critères.

L’hôpital de Lucerne applique cette réglementation, et précise également auprès de Faky : "En général, de nombreux hôpitaux en Suisse prévoient un système 3G pour tous les visiteurs."

Ainsi, pour les parents qui ne seraient pas vaccinés et qui souhaitent se rendre dans l’hôpital pour enfant, il est possible de réaliser des tests. Comme l’indique l’office fédéral de la santé publique de la Confédération Suisse (OFSP) sur son site Internet, la validité du certificat est de 72 heures pour un test PCR négatif, et de 48 heures pour un test antigénique négatif.


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Le journal Luzerner Zeitung fait d’ailleurs état de problèmes d’organisation liés à cette réglementation. Etant donné que la vaccination des femmes enceintes n’a été recommandée par les autorités Suisses que le 14 septembre 2021, certaines femmes sont obligées de réaliser un test antigénique tous les deux jours pour voir leur enfant dans le service de néonatologie ou en pédiatrie.

Le coût des tests pour le certificat n’est plus pris en charge depuis 11 octobre en Suisse. Le quotidien précise cependant à ce sujet que "les tests pour les visites dans les établissements de santé resteront gratuits après le 10 octobre. Le gouvernement fédéral assume les coûts". Cette information est confirmée par le site de l’OFPS, qui indique que les tests sont pris en charge pour "les personnes en visite dans les établissements de santé".

Une "phase test" et des mesures réévaluées

L’hôpital cantonal de Lucerne a bien mis en place des mesures spécifiques pour encadrer les visites des patients dans le cadre de la crise sanitaire actuelle. C’est notamment le cas dans les autres hôpitaux suisses comme le Centre hospitalier universitaire vaudois qui demande également aux visiteurs de plus 16 ans de présenter un certificat Covid valable.

La présence limitée des visiteurs et les conditions mises en place pour éviter la propagation du Covid-19 dans les centres hospitaliers sont l’objet de beaucoup de discussions, notamment en France où, actuellement, la présentation du pass sanitaire est requise à l’entrée des hôpitaux pour les soins sur rendez-vous. Cette mesure ne concerne pas les personnes admises à l’hôpital en urgence. Mais cette notion est à la libre appréciation des soignants.

Interrogé sur les raisons de la réglementation en vigueur dans ses établissements, l’hôpital cantonal de Lucerne indique : "D’après notre expérience, la plupart des personnes concernées comprennent que cette mesure vise à assurer leur propre protection, celle des nouveau-nés et celle du personnel du LUKS, et qu’une maternité ou un service de néonatologie sont des lieux particulièrement sensibles à cet égard. Bien sûr, les mères sont toujours autorisées à voir leurs enfants. Toutefois, l’hôpital est tenu de prendre les mesures de protection nécessaires".


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Selon les informations recueillies auprès de l’hôpital par le journal Luzerner Zeitung, cette réglementation fait partie d’un "test pilote". L’hôpital cantonal de Lucerne comporte trois sites différents : Lucerne, Sursee et Wolhusen. Toujours selon le quotidien suisse, la politique de certification obligatoire pour les visiteurs en maternité a d’abord été mise en place dans le centre de Lucerne, avant d’être étendue aux sites de Sursee et Wolhusen.

A propos des conditions d’application de cette "phase test", l’hôpital cantonal de Lucerne fait savoir : "Nous sommes toujours en train d’évaluer cette phase de test. Le LUKS se réserve le droit de l’étendre à d’autres départements en fonction de l’évolution de la situation épidémiologique".

Qu’en est-il en Belgique ?

En Belgique, des règles différentes s’appliquent d’ailleurs selon les hôpitaux mais aussi selon les régions dans lesquelles ceux-ci sont installés.

A titre d’exemple, dans les hôpitaux du Réseau Vivalia en Wallonie, seule "une personne par patient et par jour" est acceptée dans le cadre des visites aux personnes hospitalisées et les visiteurs de moins de 18 ans ne sont pas autorisés, sauf en maternité, où la fratrie est acceptée, ou bien dans des cas exceptionnels (situation critique, fin de vie, etc.) moyennant accord du médecin chef de service.


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Enfin, le CST est obligatoire pour toutes les personnes qui souhaitent faire une visite à un patient hospitalisé sur le territoire de la région bruxelloise. Sont exemptés de cette règle : "les visiteurs de moins de 12 ans", "les parents d’un enfant de moins de 16 ans", "les visiteurs de patients en fin de vie, en soins palliatifs ou présentant certaines pathologies… sur base d’une appréciation du médecin responsable à l’hôpital" et "la personne qui accompagne une personne vulnérable, fragile ou malade, le temps des soins (p.ex. aux urgences)".

A préciser encore, le CST n’est actuellement pas exigé pour recevoir des soins en région bruxelloise. Ni ailleurs dans notre pays.

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