Une heure avant la prestation de Humberto Gonzalez, un musicien d'origine cubaine, les infirmières s'activaient dans les chambres pour recoiffer, parfumer, ajuster le col de leurs patients. Georgette, 87 ans et Yvonne, 74 ans, avaient laissé tomber leur peignoir pour se mettre sur leur 31 : "C'est la première fois que je vois cela dit l'une, c'est thérapeutique dit l'autre, ça aide à guérir, ça soigne. Cela aide à oublier son lit, qu'on est malade, qu'on vieillit; tout ce qu'on désire oublier". Valide, aidé de leur canne, en chaise roulante, les spectateurs commencent à s'installer. Le Dr Erick De Armas, généraliste, a eu l'idée de ce concert exceptionnel : "La musique classique amène beaucoup de sensibilité; il y a la tristesse, la joie aussi; ce n'est pas amener le carnaval vers les patients mais amener la beauté".
Des mains qui battent la mesure
Lorsque Humberto Gonzalez entame la Gigue de Bach, Marie, 92 ans bat la mesure avec les mains et les pieds; une autre patiente hémiplégique pianote sur sa tablette. Georgette apprécie surtout "L'âme des feuillages" de Girard. Le personnel est présent, à l'affût du moindre inconfort des patients ; on remet une perfusion, on caresse une malade plus agitée...
Muriel Surquin, responsable de la clinique de gériatrie au CHU-Brugmann a été tout de suite emballée par cette expérience: "C'est un outil de stimulation et de communication sur un autre registre puisque pour les patients qui souffrent de maladies de la mémoire, on va se baser sur les capacités résiduelles et, en général, tout ce qui est affectif est préservé beaucoup plus longtemps que ce qui est intellectuel; la musique facilite les échanges et fait resurgir les choses du passé".
Combattre les stéréotypes
Amener la culture à l'hôpital s'inscrit dans un contexte plus global. Dans ce centre hospitalier, le personnel s'engage à lutter contre les stéréotypes liés à l'âge. On respecte le rythme des ainés, on s'adapte à leurs besoins : "Ils ne sont pas tous sourds; toutes les personnes âgées n'ont pas besoin de porter des langes, il vaut mieux les accompagner aux toilettes. L'idée est de maintenir l'autonomie du patient pendant l'hospitalisation qui est une période critique, il risque de la perdre par excès d'aides inappropriées".
Une chose est certaine, les personnes âgées ne perdent pas leur sens critique : on regrette qu'il n'y ait pas eu un petit mot d'introduction, on aurait préféré un concert de jazz ou encore, on remarque que le musicien n'a pas joué tous les morceaux annoncés dans le programme. Lieve Demunter, l'infirmière chef, raccompagne Marie, 92 ans, dans sa chambre et cette dernière lui confie qu'elle se sent plus calme, que ce concert lui a fait du bien.
Dominique Burge